grève interprofessionnelle

19 mars : une grève interprofessionnelle très forte dans les écoles


 

À Paris, plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont défilé durant trois heures des jardins du Luxembourg aux Invalides. Décidée il y a un mois pour faire suite à celle du 5 février, cette nouvelle journée de grève et de manifestation a été particulièrement suivie dans l’Éducation nationale.

 

Force ouvrière et les professeurs des écoles ont remplacé les gilets jaunes. Lors de la dernière journée de grève, appelée par la CGT, la FSU et Solidaires le 5 février, une jonction s’était produite avec le mouvement des gilets jaunes au sein duquel des appels à une grève illimitée avaient germé. Rien de tel ce coup-ci. Par contre, l’éventail des organisations syndicales appelant à s’opposer à la politique d’Emmanuel Macron s’est renforcé avec la présence de Force ouvrière à l’échelle confédérale. Pour leur souhaiter la bienvenue, la troisième force syndicale a ouvert la manifestation juste derrière un carré de tête unitaire.

« Maintenant ça suffit, assez de violences policières », hurle le camion sono de FO Île-de-France en démarrant, 24 heures après le ton martial des annonces du Premier ministre, faisant suite aux affrontements ayant eu lieu samedi pendant l’acte 18 des gilets jaunes. À côté du camion, une grappe de cinq CRS impassibles, dont un muni d’un lanceur de balles de défense. A quelques mètres de là, comme pour confirmer le slogan crié dans la sono, un enseignant arborant un tee-shirt des Stylo rouge explique à une équipe de télévision qu’à Toulouse ses collègues « se sont fait gazer par la police ». Dans la matinée, un blocage de l’entrée du rectorat de la ville rose a été délogé manu militari par les forces de l’ordre.

À Paris, un micro cortège de tête s’improvise conduit par des militants syndicaux du secteur de la santé. « C’est con Macron, l’humain n’est pas rentable, santé, social, grève générale », résonne à quelques dizaines de mètres en amont du carré de tête des responsables des trois syndicats de salariés et de ceux des organisations de jeunesse appelant à la manifestation. Aux avant-postes, plusieurs postiers du 92 en grève depuis 355 jours expliquent leur situation à l’aide de mégaphones. Ils sont nombreux, tiennent un stand de grillades, un autre de boissons, et appellent en boucle au soutien financier. Au total, selon la CGT, 50000 personnes ont défilé à Paris ce 19 mars contre 30000 le 5 février. Une hausse qui ne semble pas se confirmer dans les autres villes où des manifestations étaient organisées.

Dans les premiers rangs des manifestants, beaucoup d’agents de la fonction publique syndiqués à Force ouvrière, suivis par un imposant cortège des enseignants de la FSU. Dans le primaire, la grève a été massive. Le ministère annonce un quart des professeurs des écoles en grève, le Snuipp table lui sur 40 % de grévistes dans toute la France. Toujours est-il qu’il s’agit de la plus forte mobilisation depuis deux ans, et que de nombreuses écoles sont fermées aujourd’hui. « Nous souhaitons une amplification du mouvement », indique François, un enseignant du secondaire dans le département des Yvelines et syndicaliste à la FSU. « Ce n’est pas une grève isolée. Nous appelons de nouveau à une manifestation le samedi 30 mars, et une journée de la fonction publique aura lieu au mois de mai », annonce-t-il.

Signe d’une mobilisation importante dans les écoles : les banderoles faites à la main et les pancartes nombreuses, parfois drôles, et souvent assassines contre la loi « pour une école de la confiance » portée par Jean-Michel Blanquer. « Il y a de nombreuses raisons de faire grève » assure Domitille, institutrice depuis 20 ans en région parisienne. Une croix rouge barre sa bouche en signe de protestation contre l’article de la loi réduisant la liberté d’expression des professeurs. Elle souligne ironiquement le symbole d’avoir fait de cette mesure le premier article du texte qui doit poursuivre son chemin au Sénat. Mais au-delà, elle dénonce les manques d’effectifs et la disparition du travail des directeurs d’école qui sera transféré vers les proviseurs des collèges.

Une mesure qui ne passe vraiment pas et qui n’est pas étrangère à la forte mobilisation du corps enseignant ce 19 mars. « C’est au détriment des enfants » se désole Domitille qui constate qu’en 20 ans les moyens se réduisent et les classes se chargent. « Nous allons mobiliser les parents pour le 30 mars », conclut l’institutrice qui insiste sur le fait qu’elle ne fait pas souvent grève. Le cortège de l’Union syndicale Solidaires fait tampon entre les enseignants et l’important cortège des unions départementales CGT de la région parisienne qui ferment la marche. Dans ces derniers, la présence de banderoles représentant des salariés d’entreprises privées en grève se fait plus nombreuse. Sur le trottoir à mi-parcours, des intérimaires de la CGT sollicitent la solidarité des manifestants. Ils ont monté un stand pour promouvoir une campagne en faveur de l’égalité des droits avec le reste des salariés.

La manifestation s’est poursuivie jusqu’aux Invalides avant de se disperser. En attendant la journée de manifestation des enseignants le 30 mars, aucune annonce n’a été faite pour donner des suites à cette journée de grève interprofessionnelle. Pourtant, avant le départ du défilé, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a signalé que « la colère est grande dans ce pays », et a mis en garde le gouvernement : « ne pas répondre à l’urgence sociale, c’est jouer avec le feu ».