Gilets jaunes : ils sont encore là


 

Un peu éclipsé par la mobilisation syndicale contre la réforme des retraites, le mouvement des gilets jaunes n’a pas disparu pour autant. Près de 2000 d’entre eux se sont rassemblés dans la ville de Montpellier choisie comme épicentre de l’acte 64, et plusieurs autres milliers ont manifesté à Paris, Toulouse, Rouen, Nantes ou encore Bordeaux.

 

Photo à l’appui d’une place de la Comédie noyée sous les gaz lacrymogènes, l’appel national à manifester à Montpellier pour l’acte 64 des gilets jaunes ce samedi 1er février proposait comme thème « Tou.te.s en parapluie ! ». Au-delà du clin d’œil au mouvement protestataire hongkongais, la manifestation montpelliéraine est restée dans le thème choisi : pluie fine le matin, pluie de grenades lacrymogènes l’après-midi. Et ce, malgré le retour du soleil à la mi-journée.

 

 

Dés 10 h du matin, une première centaine de gilets jaunes investissent la place de la Comédie : un horaire inhabituel pour Montpellier où les cortèges gilets jaunes se forment généralement en début d’après-midi. Les manifestants continuent d’arriver par grappes. En plus des locaux, certains viennent des villes voisines, d’autres de Lyon, Toulouse, Paris ou Marseille. Vingt minutes plus tard, le nombre de participants a doublé. Il doublera encore plusieurs fois jusqu’à dépasser le millier vers 11 h 30. « Le mouvement s’est recroquevillé autour de 30 000 personnes actives dans tout le pays, mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir l’influence des gilets jaunes sur le mouvement social », nuance un pilier du rond-point de Près-d’Arènes. Pour lui, le nombre de manifestants du jour n’est pas un baromètre suffisant pour faire état du mouvement.

Pour cet acte 64, les uns arborent leur gilet jaune, d’autres des vêtements noirs, mais nombreux sont celles et ceux qui ont préféré des tenues plus discrètes, moins chiffon rouge pour les forces de police en nombre aujourd’hui. Après deux heures à attendre sur la place de la Comédie, un manifestant propose, porte-voix à la main : « Qui est chaud pour faire un petit tour avant 14 h ? ». La foule semble d’accord pour se dégourdir les jambes. Une banderole bariolée venant de Toulouse sur laquelle est inscrit « Sire ! C’est une révolte, non c’est une révolution » se place en tête. Direction : la préfecture. Un gros millier de manifestants, peut-être 1500, s’élance dans l’étroite rue de la loge.

 

 

Le cortège avance d’un pas décidé. « Nous sommes les gilets jaunes. Et nous allons gagner. Aux armes, aux armes », entonne l’avant de la manifestation où le noir domine. Le défilé progresse et passe devant la préfecture, cadenassée sur ses flans par un important dispositif policier. Pas la moindre confrontation. La manifestation, observée par un drone qui la survole, fait une boucle pour retourner vers son point de départ. Les slogans de 15 mois de mobilisation des gilets jaunes sont repris les uns après les autres. Sur le parcours, quasiment aucune dégradation jusqu’au retour sur la place centrale, où là, seul un rideau en fer de Macdonald souffre un peu de sa trop grande proximité avec le point d’arrivée. L’ensemble des manifestants se déverse sur la place de la Comédie.

 

 

Il est 13 h et le dispositif policier comprenant un camion à eau stationné de l’autre côté de la place se met en branle. Avançant en ligne, les CRS s’approchent. « Première sommation ». « Dernière sommation, nous allons faire usage de la force ». Les mots se perdent sur la place immense alors que les manifestants tranquilles sont à 50 mètres des forces de l’ordre. C’est le début de la fin de la manifestation sous sa forme classique. Un dernier cortège se forme pour quitter la place peu avant 14 h en direction de la préfecture. Mais 10 minutes plus tard, les grenades lacrymogènes marqueront le début des franches hostilités et disperseront momentanément les gilets jaunes en plusieurs groupes.

 

 

Elles dureront tout l’après-midi sur la place de la Comédie. Un moment noyée sous les lacrymogènes et vidée de ses manifestants, elle se remplit à nouveau de gilets jaunes à la faveur de la dissipation des nuages de gaz. Le calme succède à la tension, mais très brièvement. La place se vide et se remplit encore. À 16 h 30 un premier bilan faisait état de 16 arrestations. Mais les charges policières se multiplient, faisant passer le nombre d’interpellations à 21 vers 18 h. Des blessés sont également à déplorer comme en témoignent plusieurs vidéos postées sur les réseaux sociaux, sans qu’aucun décompte n’ait été fourni. À la nuit tombée, l’acte 64 n’est toujours pas dispersé. Les gilets jaunes sont encore là.

 

 

Photo : Constance Meylan