Le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête préliminaire pour « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour de personnes en situation irrégulière » visant 21 citoyens du Briançonnais. Il s’agit de 19 bénévoles et trois salariés, tous membres de l’association Refuges Solidaires, qui a informé de la situation le 20 janvier.
Cette association accompagne les personnes exilées qui parviennent à rejoindre Briançon après avoir franchi le col de Montgenèvre. Ce point de passage montagneux entre l’Italie et la France est aussi dangereux que stratégique. À ce jour, les 21 bénévoles et salariés ont tous été auditionnés par la police aux frontières, confirme Philippe Wyon, administrateur de Refuges Solidaires. Lui-même fait partie des personnes visées par cette enquête.
L’origine de l’affaire remonte à l’automne 2021. Fin août, l’équipe du Refuge Solidaire, unique lieu d’hébergement informel pour les arrivants à Briançon, doit déménager (sous contrainte de la mairie LR) dans un nouveau local : les Terrasses Solidaires. Très vite, les bénévoles alertent sur le risque de saturation de ce nouveau lieu. Leurs craintes se confirment dès l’emménagement. « Entre la dernière semaine d’août et la première de septembre, nous avons eu plus de 200 personnes présentes dans les lieux, alors que la commission de sécurité nous imposait un maximum de 80 personnes », retrace Philippe Wyon.
La tension monte à l’intérieur. Les risques pour la sécurité des exilés et des bénévoles deviennent, selon ces derniers, ingérables. L’association Refuges Solidaires décide alors « d’affréter un bus, à deux reprises, pour Paris. Puisque les gens voulaient aller là-bas », retrace Philippe Wyon. « C’était la première fois que l’on faisait cela. Et on l’a fait devant l’absence de réponse et de prise en charge », explique-t-il. Mais un contrôle de police, lors de l’arrivée à Paris, met à jour l’initiative. Le procureur de Paris notifie le contrôle au procureur des Hautes-Alpes. Qui s’empare du dossier, et ouvre une enquête préliminaire.
« À de multiples reprises, l’association Refuges Solidaires a alerté les autorités préfectorales à propos des difficultés liées à la jauge du lieu d’hébergement, des problématiques liées au transport, notamment (…) lors des travaux sur la ligne Briançon-Paris. Ces difficultés ont été amplifiées par les mesures restrictives liées à la Covid-19 », détaille l’association dans un communiqué. Après l’épisode des bus, celle-ci avait pris la lourde décision, le 24 octobre, de fermer temporairement Les Terrasses, afin de mettre l’État et la collectivité devant leurs responsabilités. Encore aujourd’hui, une tente de Médecins sans Frontières est déployée pour compléter la mise à l’abri lorsque Les Terrasses sont saturées.
Aux yeux de Philippe Wyon, cette enquête préliminaire est « inexplicable. D’un côté, la préfète nous a reproché d’avoir fermé les Terrasses. Et d’un autre côté, on est auditionné pour avoir aidé les personnes à partir… »
Dans l’histoire de la solidarité briançonnaise, ce type d’enquêtes n’est pas une première. Plusieurs ont abouti à des poursuites. L’affaire dite des « 7 de Briançon » en est emblématique. Mais cette fois, avec 21 citoyens visés, le dossier est d’une ampleur inédite. « On a été très étonnés du nombre de personnes convoquées », confirme Philippe Wyon. Y aura-t-il des poursuites ? Ou l’enquête sera-t-elle classée sans suite ? Le responsable associatif assure n’avoir « aucune lisibilité » à l’heure actuelle.
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.