Retraites : des ministres ayant le « courage » de nous enfumer


 

« La proposition d’Agnès Buzyn est très courageuse », a déclaré Gérald Darmanin sur le plateau de LCI mardi 19 mars d’un air affecté par tant de témérité. Dimanche, la ministre de la Santé a affirmé ne pas être hostile à un allongement de la durée du travail avant de pouvoir partir à la retraite dans le cadre de la mise en place d’un système à points. « Je suis médecin, je vois que la durée de vie augmente […] nous avons aujourd’hui des personnes de 65-70 ans qui sont en pleine possession de leurs moyens, qui sont sportifs, qui profitent de la vie », a développé la ministre pour donner du crédit à sa position.

Pourtant, les statistiques sont têtues : l’espérance de vie en bonne santé, sans incapacités ou limitation d’activité, est de 64,9 ans pour les femmes et 62,6 ans pour les hommes en 2017. Pour la même année, l’âge moyen de départ à la retraite, en comptant les départs anticipés, est de 62,5 ans en France. Cela signifie qu’en moyenne, l’espoir de profiter pleinement de la vie en étant à la retraite est aujourd’hui approximativement de 0,1 an pour les hommes et de 2,4 ans pour les femmes. Sur ce point de diagnostic, Agnès Buzin a oublié de faire valoir son expérience de médecin.

Ce doit être ce que Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics appelle le courage : tronquer la réalité pour justifier aux yeux des Français une mesure qui leur est défavorable, mais qui est très attendue par le Medef. En attendant, malgré la promesse d’Emmanuel Macron de ne pas toucher à l’âge de départ en retraite, deux ministres testent les réactions et les oppositions sur un point particulièrement sensible. Si Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, a nié toute intention d’allongement de la durée de travail et qu’Agnès Buzyn a du faire du rétropédalage devant l’Assemblée nationale, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a lui affirmé que toutes les questions sont sur la table.

De quoi agacer sérieusement les syndicats conviés aux discutions avec le gouvernement. Et ce, jusque dans les rangs de la CFDT qui jusque là s’était déclarée favorable à une réforme des retraites pour basculer vers un système à point.