Sur les ondes de France-info, le ministre Jean-Michel Blanquer a évoqué ce matin un mouvement « d’une violence jamais vue », indiquant que quatre lycéens « se sont blessés assez grièvement », dédouanant ainsi l’action des forces de police. Depuis vendredi 30 novembre, plusieurs dizaines de milliers de jeunes descendent dans la rue contre la politique du gouvernement en matière d’éducation. Le nombre de jeunes blessés par des tirs de flashball est particulièrement élevé.
Quatre lycéens « se sont blessés assez grièvement », a affirmé le ministre de l’Éducation ce mercredi 5 décembre. Pas vraiment tout seuls, semble-t-il. Mardi, une lycéenne de 16 ans a subi des lésions à la mâchoire inférieure dues à un tir de flashball à Grenoble. Elle a été transportée à l’hôpital et doit être opérée. Trois autres lycéens grenoblois ont été légèrement blessés ce jour-là. Cinq autres la veille. À Toulouse un lycéen a été sérieusement blessé, lui par un « retour de flamme », selon le journal La Dépêche. Dans la ville rose, les affrontements avec la police ont conduit au placement en garde à vue d’une vingtaine de jeunes en début de semaine. Comme lors des manifestations du week-end, il a été fait un usage intensif de gaz lacrymogène et de tir de flashball.
A Meaux, hier, en région parisienne, c’est encore un tir de flashball qui est à l’origine de la blessure au bas-ventre d’un lycéen. Ce matin, c’est un autre jeune à Gonesse dans l’Essonne qui a été gravement blessé par un tir de lanceur de balles. Il a été pris en charge par le SAMU. Même arme, même résultat à Bordeaux, où une lycéenne affirme auprès de 20 Minutes avoir vu un manifestant blessé sous l’œil et conduit à l’hôpital. Elle indique avoir été frappée en filmant la scène et témoigne d’insultes proférées par des policiers. Ces types de témoignages sont légions depuis le début de la semaine, parfois vidéo à l’appui sur les réseaux sociaux.
Ce matin, l’utilisation de lanceur de balles LDB40 sur les manifestants dans le Loiret a été à deux doigts de tourner complètement au drame. Un jeune de 16 ans touché au visage a été conduit aux urgences dans un état très grave : son pronostic vital a été déclaré comme engagé dans un premier temps. Conscient aux dernières nouvelles, il souffre d’un traumatisme crânien. L’utilisation systématique « d’arme à létalité réduite », comme les flashballs et les lanceurs LDB40, lors des manifestations est régulièrement posée. Ici particulièrement sur des mineurs. Le défenseur des droits s’est prononcé pour son interdiction en début d’année.
Révolte lycéenne
Tout a commencé vendredi 30 novembre. Un appel aux blocages a été lancé par l’Union nationale lycéenne (UNL) pour ce jour là. Une centaine d’établissements ont été perturbés et 40 000 lycéens ont manifesté selon l’UNL. À l’exception de Tours où les forces de l’ordre ont largement fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les jeunes dans le centre-ville, la journée n’a que peu produit de confrontation. Changement de ton le lundi. Le mouvement a touché environ 200 établissements et l’UNL annonce la participation de 100 000 lycéens. Les accrochages avec la police ont été nombreux sur les points de blocages ou lors des manifestations, notamment dans les villes les plus mobilisées comme à Toulouse, Lyon, Marseille, ou en Seine-saint-Denis.
« Le mouvement est très spontané du fait du nombre très faible de militants dans les lycées », observe un enseignant d’un lycée lyonnais regroupant filières générales et professionnelles. Pour lui, si les images du week-end ont électrisé les jeunes, qui ont plus rapidement que d’ordinaire mis le feu à des poubelles, la réponse policière a été immédiatement répressive. « La police a toujours été dure avec nos gamins, mais là, les gaz lacrymogènes, les charges et les tirs de flashball ont été généralisés », témoigne cet enseignant. Depuis lundi, 19 jeunes ont été interpellés et 3 policiers blessés selon la préfecture. Des lycéens font eux état de tirs tendus, de coups de matraques et de blessures légères.
Protéger les jeunes
Plusieurs syndicats d’enseignant du secondaire ont déposé des préavis de grève et appelé leurs adhérents à accompagner leurs élèves en fin de semaine, alors que le mouvement lycéen doit se poursuivre, voire se renforcer avec un appel de l’UNL à un temps fort vendredi. Le Snes-FSU dénonce « les violences et la répression du mouvement lycéen » et appelle à des assemblées générales dans les établissements. De son côté, la CGT éducation demande aux personnels de « garantir par leur présence la liberté d’expression et de mobilisation des élèves ». La protection de leurs élèves est aussi de mise à Sud éducation qui enjoint les enseignants à se « solidariser avec les lycéens ».
Mais cette volonté de protéger les jeunes des agissements de la police n’est pas l’apanage des seuls syndicats enseignants. Déjà, mardi matin, à Marseille, des syndicalistes CGT sont venus au contact de lycéens présents devant l’inspection académique pour s’interposer face à des interventions policières jugées musclées. Les chasubles rouges recevant leur dose de gaz lacrymogène, une promesse de grève dans les entreprises a été lancée par le secrétaire général de l’union départementale des Bouches-du-Rhône, Olivier Mateu. Ailleurs, dans certaines communes, ce sont des gilets jaunes qui sont venus à la rencontre des lycéens, espérant faire descendre les tensions.
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