Des ouvriers nicaraguayens attaquent trois multinationales au TGI de Paris

 

Lundi 5 novembre, 1234 anciens ouvriers agricoles de bananeraies du Nicaragua ont saisi la justice… française. Intoxiqués par un pesticide hautement cancérogène, le DBCP, ces travailleurs ont d’abord mené cette bataille juridique dans leur propre pays, aidés par l’avocat Tony Lopez, qui suit le dossier depuis 1987. Ils ont gagné en 2006 et ont fait
condamner trois multinationales de la chimie à leur verser des indemnités qui s’élèvent à plus de 800 millions de dollars. Mais Occidental Chemical Corporation, Shell Oil Company et Dow Chemical Company ont toutes trois déserté le Nicaragua avant d’avoir à payer le moindre centime.

En lien avec l’avocat parisien Pierre-Olivier Sur et des avocats spécialistes de l’environnement aux États-Unis, ils ont déposé une requête pour une procédure d’« exequatur ». Il s’agit de faire exécuter une décision prononcée par une juridiction étrangère sur le territoire français, voire européen en l’espèce. Le choix de la France a été
mûrement réfléchi : l’article sur lequel s’appuie la condamnation au Nicaragua est calqué sur le droit français, d’après les avocats de la partie civile.

Sur le fond, l’affaire est très similaire au scandale du chlordécone, pesticide utilisé dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe jusqu’en 1993, alors que le produit était connu comme dangereux par ses fabricants depuis les années 50. Il est interdit aux États-Unis depuis les années 70. Le DBCP, quant à lui, a été utilisé jusqu’en 1983. Il fait désormais l’objet de nombreuses procédures judiciaires en Amérique latine, qui concernent des dizaines de milliers de personnes. Au Nicaragua, 17 000 ont déposé des plaintes. Pour de très nombreux ouvriers agricoles à travers le monde, une décision positive du tribunal parisien représenterait un grand message d’espoir dans la lutte contre les pesticides.