Rwanda

La responsabilité de la France dans le génocide rwandais toujours taboue 25 ans après


 

Hubert Védrine, 71 ans, et Alain Juppé, 73 ans, seront-ils un jour entendus ou jugés à propos de la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda ? Cela n’en prend pas le chemin. Aucune procédure ne devrait être engagée avant au moins plusieurs années. Début avril, Emmanuel Macron a nommé une commission d’historiens chargée de faire la lumière sur le rôle de la France. Elle a deux ans pour travailler. Si les neuf historiens désignés – parmi lesquels ne figure aucun spécialiste du sujet – auront accès à l’ensemble des archives de l’État, il n’en va pas de même pour les magistrats qui se heurtent toujours au secret défense. Ainsi, même si les crimes liés aux génocides sont imprescriptibles, aucune décision judiciaire ne pourra découler de cette déclassification avant de nombreuses années.

Une décision que regrette l’association Survie qui publie un recueil de 25 documents intitulé : déni et non-dits – 25 ans de mensonges et de silences complices sur la France et le génocide des Tutsis du Rwanda. L’association nomme aussi six responsables politiques et militaires français de l’époque encore vivants, et dont elle espère un jour entendre la vérité : Hubert Védrine, Alain Juppé et quatre hauts responsables de l’armée. Trois des quatre militaires ont déjà plus de 80 ans, et pour le moment, la France nie toujours toute responsabilité dans le génocide des Tutsis au Rwanda. Ce, malgré l’accumulation d’enquêtes et de témoignages collectés par des journalistes et des historiens de différents pays.

Quel fut le rôle du capitaine Barril dans l’attentat déclenchant le génocide ? Pourquoi la France a-t-elle armé et instruit militairement un « nazisme tropical » ? L’opération Turquoise a-t-elle exfiltré sur ordre les génocidaires hutus ? Et bien d’autres questions toujours en suspens. Faudra-t-il attendre que les principaux protagonistes soient morts pour connaître un jour officiellement la vérité ? Peut-être. En tout cas, la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs a dû attendre 53 ans et le discours de Jacques Chirac en 1995. Celle de l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française, et d’un usage systémique de la torture en Algérie a patienté 61 ans.

Combien de temps devra attendre un des pires crimes de l’histoire du 20e siècle ? En 100 jours, entre le 7 avril et le 17 juillet 1994, 800 000 à 1 million d’hommes, de femmes et d’enfants ont été massacrés au Rwanda. Sur une population de seulement 7 millions d’habitants.