165 000 pulls à col roulé à 40 € pièce pour passer l’hiver et la crise. C’est ce que pourront s’offrir les patrons des sociétés françaises cotées en bourse avec leur rémunération de l’année 2021, que l’Observatoire des multinationales a calculé dans son rapport « CAC 40 : le véritable bilan annuel ». L’an dernier, ces dirigeants ont empoché en moyenne 6,6 millions d’euros chacun. Soit 413 fois le SMIC et même 800 fois le salaire moyen d’une aide à domicile. De leur côté, les salariés ont vu leur paye péniblement augmenter de 2,5 % en 2021, selon une étude du Groupe Alixio.
La rémunération des patrons des sociétés cotées augmente donc de 51 % en un an. Comme le patron de Total, Patrick Pouyanné, ces dirigeants pourront tenter d’expliquer que cette très forte hausse est due au fait qu’en 2020, première année de la pandémie, ils avaient consenti à un effort en baissant leurs revenus. Cependant, depuis 2019, l’augmentation représente encore 26,4 %. Et comme ce n’est pas + 26,4 % d’un SMIC, l’augmentation moyenne s’élève à 2,2 millions d’euros par tête.
Parallèlement, les bénéfices des entreprises du CAC 40 se sont envolés : 156,7 milliards d’euros en 2021, avec un chiffre d’affaires en progression de 38 %, et 57 milliards versés aux actionnaires. Deux fois plus qu’en 2019, malgré la crise du Covid-19, puis celle de l’énergie, et de la guerre en Ukraine. Premier au rang des bénéfices : TotalEnergie avec 14,2 milliards d’euros. Mais juste derrière : ArcelorMittal et Stellantis – fusion des groupes PSA et Fiat-Chrysler – qui malgré 13 milliards de bénéfice a réduit ses effectifs de 17 000 postes. Et ainsi a participé à l’explosion moyenne de la profitabilité des entreprises du CAC 40, qui est passé de 3,1 % à 10,9 % en un an.
« C’est une entreprise française, nous devrions tous être fiers », déclarait le ministre de l’Économie Bruno Le Maire à propos du bénéfice record de Total au second trimestre 2022. Avant d’ajouter : « ces profits considérables vont permettre en grande partie de payer la facture des Français » en faisant référence à la réduction appliquée par le géant pétrolier à la pompe. Mais l’Observatoire des multinationales révèle que le CAC 40 détient 14,3 % de filiales dans les paradis fiscaux. Et même un quart pour le géant du luxe LVMH, propriété de la première fortune de France.
Pour l’heure, les membres du gouvernement se font discrets sur l’annonce de tels profits. En tout cas bien plus que lorsqu’il s’agissait de vilipender les salariés de Total en grève au mois d’octobre, ou ceux de la RAPT jeudi, qui osent réclamer, comble de l’indécence, des augmentations de salaire couvrant au moins le niveau d’inflation. Soit + 200 € ou plus 300 € par mois tout au plus.
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