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Les 8 mesures phares du budget de la Sécu 2026 

Ce 9 décembre, le budget de la Sécurité sociale pour l’année 2026 a été adopté à une courte majorité. Les plus grandes régressions sociales prévues par le gouvernement ne verront pas le jour. Mais si le pire a été évité, ce budget ne prévoit que de très faibles améliorations et quelques régressions notables. Rapports de Force fait le point.

C’est passé. De treize voix. Mais c’est passé. Ce 9 décembre les députés ont adopté à une courte majorité parlementaire (247 pour, 234 contre, 93 abstentions) le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2026.

Après des semaines de négociations, de dépôts d’amendements et de tractations, les parlementaires ont réussi à accoucher d’un budget de compromis. Les mesures les plus violentes socialement, comme le doublement des franchises médicales, le gel des prestations sociales et des pensions de retraites, ou encore le grand coup de rabot passé dans le budget des hôpitaux ne verront pas le jour. Mais si le pire a été évité, ce budget ne prévoit que de très faibles améliorations et quelques régressions notables.

Ce vote est important car la version définitive du PLFSS pourrait bien être celle adoptée ce 9 décembre par l’Assemblée nationale. En effet, même si le texte doit encore repasser par le Sénat, le gouvernement a toujours le pouvoir de demander aux députés de statuer définitivement, en application de l’article 45 de la Constitution.

1 : Budget quand même à la baisse pour l’assurance maladie

Au cœur des débats parlementaires, encore une heure à peine avant le vote du texte : l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Et pour cause, la première version du PLFSS annonçait le pire budget de l’hôpital depuis quinze ans, avec un ONDAM qui n’augmentait que de 2,1 % en 2026. Or l’augmentation des maladies chroniques et l’inflation font naturellement grimper les dépenses de santé d’environ 4 % chaque année. Toute augmentation inférieure implique donc des économies sur la santé. Au bout des débats parlementaires, l’ONDAM a finalement été porté à 3% par un amendement du gouvernement. Il reste toutefois inférieur à l’ONDAM de 2025 qui était de 3,6%.

2 : Abandon du gel des minimas sociaux et du doublement des franchises 

Parmi les mesures les plus controversées pour maîtriser ces dépenses de santé : le doublement des franchises médicales et de la participation forfaitaire sur les médicaments, les consultations, les actes paramédicaux et pour le transport sanitaire. Autant sénateurs que députés ont voté contre cette augmentation du reste à charge au patient.

Autre mesure polémique non retenue en seconde lecture à l’Assemblée nationale : le gel des minimas sociaux. Sébastien Lecornu préconisait à l’origine une « année blanche » pour les prestations sociales (allocations familiales, RSA, prime d’activité, APL…) et pensions retraites. Traduction : les montants de ces prestations et pensions devaient être gelés en 2026, et non pas indexés sur l’inflation comme c’est le cas chaque année pour éviter une perte de pouvoir d’achat. 

3 : Léger décalage de la réforme des retraites

Une autre mesure a été au centre des attentions, celle qui a fait dire à Marylise Léon, secrétaire général de la CFDT, qu’il faut « absolument voter », ce PLFSS. Il s’agit du décalage -et non de la suspension- de la réforme des retraites mise en place en 2023 par Élisabeth Borne. C’est l’aboutissement d’un compromis entre le gouvernement et le Parti socialiste, qui a permis la non-censure de Sébastien Lecornu et de son équipe. 

L’augmentation d’un trimestre par an de l’âge légal de départ à la retraite, prévu initialement jusqu’à 2030, s’interrompt cette année. L’actuel âge légal de départ reste donc à 62 ans et 9 mois. Le nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein est lui aussi gelé. Il restera à 170 trimestres au lieu de 172. Le dégel de la réforme est prévu au 1er janvier 2028. En attendant, les personnes nées entre 1964 et 1968, qui devraient partir à la retraite entre 2026 et 2030 pourront partir plus tôt que prévu. Mais seulement de trois mois.

4 : Retraites des mères

Autre amendement qui promet un léger mieux, cette fois pour les mères. Leur retraite ne sera plus forcément calculée sur les 25 meilleures années. Si la future retraitée a un enfant, les 24 meilleures années seront prises, si elle en a 2 ou plus, seules les 23 meilleures années seront prises en compte. De quoi rehausser quelque peu le montant de leur retraite. Pour rappel, la retraite des femmes est inférieure de 27% à celle des hommes, selon l’OCDE

Le PLFSS 2026 prévoit un accès légèrement facilité au dispositif de carrière longue pour les femmes salariées du privé. Ces dernières pouvaient comptabiliser 8 trimestres, au titre de la naissance, de l’éducation ou de l’adoption d’un enfant. Mais ces trimestres étaient dits « non cotisés » et n’entraient pas dans le calcul pour un départ anticipé. Le PLFSS prévoit d’en transformer deux en trimestres cotisés. Pour les fonctionnaires, un amendement  permettrait par ailleurs aux mères fonctionnaires de bénéficier d’un trimestre de bonification pour chaque enfant né à compter de 2004.

5 : Plafonnement des arrêts de travail : un mois d’arrêts de travail 

Avant d’être à la retraite, un changement non négligeable attend les salariés au 1er janvier. Celles et ceux qui cessent pour la première fois le travail à cause d’une maladie ou d’un accident devront retourner voir leur médecin un mois après. En deuxième lecture, les députés ont rétabli la limitation du premier arrêt de travail à une durée d’un mois et à deux mois lors d’un éventuel renouvellement. Selon les situations, les médecins pourront déroger à cette règle en le motivant sur leur feuille de prescription. Le Sénat avait rejeté cette mesure au motif qu’elle encombrait les professionnels de santé déjà surchargés. A l’origine, le gouvernement prévoyait de limiter à 15 jours le premier arrêt de travail s’il est prescrit par un médecin de ville et 30 jours s’il est à l’hôpital.

Jusqu’à présent, les salariés n’étaient soumis à aucune durée maximale lors d’une mise en pause professionnelle. Hors ALD, les indemnités maladies pouvaient être perçues pendant 360 jours par période de trois ans. Au prétexte d’un suivi médical régulier, le gouvernement cherche ainsi à restreindre la hausse de l’absentéisme au travail et à maîtriser les dépenses d’indemnités journalières. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), celle-ci ont augmenté de 28,9 % entre 2010 et 2019, puis de 27,9 % entre 2019 et 2023. Un autre bon moyen d’éviter les répétitions de ces arrêts serait d’améliorer des conditions de travail, pour rappel, un salarié sur deux s’estime en détresse psychologique.

6 : Un nouveau congés naissance

C’est peut-être la réelle avancée créée par le PLFSS pour les travailleuses et travailleurs de ce pays. La version 2026 prévoit l’entrée en vigueur d’un congé de naissance. Chacun des nouveaux parents pourra prendre deux mois de congés pour accueillir le nouveau-né, soit d’affilée, soit en fractionné.

De ce que prévoyait le gouvernement, le premier mois serait indemnisé à 70% du salaire, le second à 60%. Prévu pour entrer en vigueur en 2027, les députés ont finalement avancé l’échéance au 1er janvier prochain. Ce nouveau temps dédié à l’arrivée du nouvel enfant se cumulera avec les congés maternité et paternité, déjà existant. Cette promesse d’Emmanuel Macron, formulée dès 2024, entre dans sa stratégie de relance de la natalité, désormais en berne en France.

7 : Défiscalisation des heures sup’ 

En parlant de déductions de cotisations patronales, celles sur les heures supplémentaires ont été étendues aux entreprises de plus de 250 salariés par l’Assemblée nationale. Cette réduction de 0,50 euro par nouvelle heure provient d’un amendement issu des rangs Les Républicains (LR). Censé récompenser « la France qui travaille », celle « de l’effort et du mérite », ce dispositif « a fait ses preuves sous Sarkozy », croit savoir Thibault Bazin, à l’origine de la mesure.

Alors président de la République, Nicolas Sarkozy avait en effet mis en place cette mesure en 2007. Le fameux « travailler plus pour gagner plus ». Pourtant, l’impact de cette « défiscalisation » sur la quantité d’heures travaillées, sur l’emploi, ou le revenu des ménages les plus modestes n’avait pas été démontré. En revanche, « employé et employeur peuvent s’accorder pour déclarer chaque mois des heures supplémentaires fictives afin de bénéficier des allègements et se partager cette manne fiscale », écrit le cercle des économistes. Défiscalisez, défiscalisez, défiscalisez, en restera-t-il quelque chose ?

8 : Hausse de la CSG sur les revenus du patrimoine

Via un amendement du Parti socialiste, l’Assemblée nationale souhaitait augmenter la CSG sur les revenus du patrimoine (Contribution sociale généralisée). Cet impôt, qui finance la Sécurité sociale, devait passer de 9,2% à 10,6%. Le sénat, majoritairement à droite, s’y était opposé. En seconde lecture à l’Assemblée nationale, un compromis a finalement été trouvé.

 Un amendement a exclu de cette hausse les revenus liés à l’épargne et l’investissement locatif (assurance-vie, plus-values immobilières, PEL, plan d’épargne populaire, etc.), qui restent taxés à 9,2 %. Forcément, cette hausse d’impôt rapporte moins que prévu à la Sécu : 1,5 milliards d’euros au lieu de 2,8.

Ludovic Simbille et Guillaume Bernard

© Ecole polytechnique / Institut Polytechnique de Paris / J.Barande