Le mouvement des cheminots, commencé le 3 avril, reste important à la veille de la journée interprofessionnelle du 19 avril. À Nîmes, entre piquet de grève et assemblée générale, les cheminots mobilisés se préparent pour la manifestation du lendemain avec les autres secteurs en lutte. Reportage.
Un barrage de pneus et de palettes en feu barre l’accès d’une rue menant aux voies. La cinquantaine de cheminots présents accueillent le lever du jour, au niveau de la gare de triage des trains à Nîmes, située à quelques kilomètres de la gare de voyageurs. Seul le TGV de 6 h 54 à destination de Paris gare de Lyon est passé ce matin. Contrôleurs, aiguilleurs, conducteurs, agents de la maintenance et de la vente sont réunis pour la septième journée de grève à la SNCF et la quatrième séquence de débrayages sur la modalité de 2 jours d’arrêt de travail tous les cinq jours.
C’est le moment de se compter. Sur son atelier, « ils ne sont que cinq sur 95 à n’avoir jamais fait grève depuis le 3 avril », raconte un cheminot CGT proche de la retraite, soulignant ainsi la force historique du mouvement. Certains agents se relaient dans la grève, un jour oui, un jour non, quand d’autres répondent à tous les rendez-vous. Le vieux militant syndical, entré à la SNCF en 1982, se fait un peu chambrer. « Il peut vous raconter la grève de l’hiver 1986 et l’histoire des coordinations de cheminots », s’amusent des collègues plus jeunes. Mais tous sont d’accord sur le constat : ils ont rarement vu autant de cheminots adhérer au mouvement et participer à la grève.
Pourtant, la direction de l’entreprise a annoncé des taux de grévistes plus faibles pour les 18 et 19 avril que lors des premières journées. Dans l’atelier de maintenance à proximité, des hommes en chasubles orange s’activent. Ils sont assez peu nombreux. Mais sur le piquet, personne ne se démonte : c’est l’heure du petit déjeuner. Une table est installée au milieu des voies de chemin de fer pour accueillir les casse-croûtes. Un drapeau de la CGT est planté dans le ballast et un feu de signalisation allumé. Le petit déjeuner tire en longueur et les tracts prévus pour une distribution aux usagers restent dans leur carton. Un huissier vient constater la présence des cheminots sur les voies, suivi d’une « petite chef ». Quelques noms d’oiseaux fusent. Peu et pas longtemps.
La grève tient
L’affaiblissement du mouvement annoncé dans les médias suite à la communication de la direction de la SNCF, les cheminots nîmois en grève n’y croient pas vraiment. Tous pointent les vacances de Pâques, pendant lesquelles certains de leurs collègues sont en congé, ainsi que les modalités de comptage de l’entreprise. « Ils ne prennent pas en compte les personnes qui font 59 minutes de grève », explique Laurent Daniel, le secrétaire général de la CGT-Cheminots à Nîmes, avant d’affirmer : « dans le Languedoc-Roussillon nous sommes costauds, nous n’avons pas vu beaucoup de trains circuler aujourd’hui ». L’assemblée générale réunit une centaine d’agents à 11 h au dépôt, moins que le 3 avril où la fréquentation avait relevé du jamais vu, avec près de 200 agents participants.
« Demain, les cheminots vont être regardés. Il faut que nous soyons nombreux à la manifestation », avertit un militant syndical. Plusieurs intervenants insistent sur le besoin de la présence de tous, surtout pour la journée interprofessionnelle. Avec la forme du mouvement en deux jours sur cinq, le rapport à la grève se fait plus individuel, et certains cheminots, pourtant grévistes, manquent à l’appel en assemblée ou sur les piquets. Pourtant la forme est maintenue. « La séquence deux jours de grève, trois jours travaillés, est parfaite. Si nous partons maintenant en illimité, cela ne tiendra pas. Il faut tenir jusqu’à fin juin, après, s’il faut durcir, nous durcirons », assure un agent après l’assemblée générale.
Eddy et Laurent, 10 et 14 ans passés à l’aiguillage, sont moins catégoriques sur le bon moment pour durcir. « C’est moins dynamique qu’en 2014 et 2016, mais c’est plus fort », constate Laurent. Une différence de pêche qu’il attribue en partie à la forme particulière de la grève : perlée au lieu d’illimitée. Il espère que les cheminots seront rejoints par d’autres professions pour durcir le mouvement général. Sur la même longueur d’onde, Eddy déplore que les tracts n’aient pas été distribué dans la matinée. Une façon, en allant au contact de la population, d’élargir la contestation. D’autant, qu’en attendant, le gouvernement avance. Mardi 17 avril, le projet de loi sur le ferroviaire a été voté en première lecture à l’Assemblée nationale.
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