À Toulouse : les bibliothécaires ont joué un rôle décisif dans la bataille contre l’austérité 

En novembre 2024 Michel Barnier annonçait de lourdes coupes budgétaires dans les collectivités locales. À Toulouse un mouvement social est cependant parvenu à obtenir des reculs de la mairie. Les bibliothèques en ont été le fer de lance du mouvement. 

Interview de Léo Stella, bibliothécaire et élu à la commission exécutive de la mairie de Toulouse pour la CGT. 

Quelle a été la réaction de la mairie de Toulouse après l’annonce des coupes budgétaires par le premier ministre déchu Michel Barnier en octobre 2024?

Les annonces de Michel Barnier, qui prévoyaient une réduction de 5 milliards d’euros de budget pour les collectivités (ndlr : voir notre article sur ce plan social XXL), ont eu des conséquences immédiates à Toulouse. Au conseil départemental de Haute-Garonne Sébastien Vincini (PS) a gelé le budget. Jean-Luc Moudenc (ex-LR), maire de Toulouse, a fait pareil. Dans les bibliothèques, on s’est retrouvé à ne plus pouvoir remplacer les agents absents, les arrêts maladies et la mairie a réduit de 60 % le budget qui servait à recruter des remplaçants. Fin décembre 2024, nous avons perdu 15 à 16 contractuels, par non renouvellement, sur l’ensemble des mairies de Toulouse. Ça a été un choc. Certaines bibliothèques, comme celle de Bagatelle, ne pouvaient plus ouvrir. Certaines petites bibliothèques devaient fermer une semaine sur deux. En même temps, la mairie a acté un gel de 40 % de l’enveloppe des subventions aux associations culturelles sur l’année à venir.

Avec la section syndicale CGT des bibliothécaires, nous avons donc organisé une assemblée générale le 5 décembre, forte journée de grève dans la fonction publique. L’AG a réuni une centaine d’agents sur 330. Nous avons voté une série de débrayages. Sur des périodes de 2 heures on arrêtait le travail et on tractait auprès des usagers. On a aussi décidé de participer à la manifestation du privé le 12 décembre. Nos revendications étaient claires : non aux baisses de budget, refus des licenciements et titularisation de tous les contractuels.


Ça s’explique par des tensions accumulées depuis plusieurs années. Il y a deux ans, une réforme appelée « Proxima » a entraîné une surcharge de travail, et une réduction des moyens. Elle a mis en place une situation dans laquelle les équipes sont constamment en sous-effectif, et les bibliothécaires doivent se battre pour des fournitures de base, comme des trombones. Cela fait sept ans que je travaille dans les bibliothèques, et la situation n’a fait qu’empirer. Les annonces de Barnier et de la mairie de Toulouse ont fait déborder le vase.

On a aussi reçu un fort soutien des usagers, ça  aide. Ils se sont aussi mobilisés avec nous. Les bibliothèques sont des lieux hyper sociaux, ça ne sert pas seulement à emprunter des livres : en hiver, les gens viennent pour se chauffer… en été pour la clim… Nous faisons beaucoup de travail social… je ne sais plus combien de personnes j’ai aidé à obtenir des visas. 

En janvier 2025, nous avons mis en place des commissions « caisse de grève », « action » et « élargissement ». Je faisais partie de cette dernière commission. L’idée était d’aller chercher tous ceux qui étaient concernés par ces coupes budgétaires et même au-delà, dans le privé. L’école des Beaux-arts de Toulouse, le collectif Culture en lutte, des agents territoriaux de la CGT et de SUD ont répondu présent et on a organisé une réunion publique le 13 février à la Bourse du travail. Elle a abouti à une coordination interprofessionnelle. Nous avons fait un communiqué unitaire avec les mêmes mots d’ordre que pour les bibliothèques. On a aussi insisté sur la dénonciation de l’économie de guerre  qui ne tardera pas à justifier des budgets austéritaires.

Le 27 mars, on a fait une manifestation devant le conseil municipal. On a été choqué : on était plus de mille. La mobilisation touchait la fonction publique territoriale mais aussi le secteur social et culturel. À partir de là, il y a eu des reculs de la mairie. Les annonces de réduction budgétaire ont été revues à la baisse.

Avec l’été et les vacances qui arrivent, nous sommes à -50 % de présence dans les bibliothèques. Une mobilisation n’est pas envisageable avant la rentrée. Ce vendredi 20 juin marquait donc la fin d’une séquence de mobilisation. Nous avons organisé un rassemblement nommé « contre conseil municipal ». Le but c’était de dire à la collectivité que le round 2 arrivait et qu’on ne mettrait pas 6 mois avant de s’unir. Et ce malgré les pressions et les tentatives de division qui pèsent sur nous. On sait aussi que les mobilisations avec les usagers sont possibles. Dans le quartier de Bonnefoy, les parents d’élèves se sont réunis avec les travailleurs devant la bibliothèque. On a aussi organisé des manifestations avec les enfants lors d’interventions de Jean-Luc Moudenc. On sait que ça fonctionne. Pour la rentrée, on a donc voté la création de comités d’usagers.