La dette de l’État serait pour moitié due au financement des retraites ? Et la future négociation proposée aux syndicats et au patronat serait « sans tabou » ? Ce 14 janvier, lors de son discours de politique générale, le Premier ministre François Bayrou a aligné au moins deux mensonges. Leur but ? Permettre que la réforme soit modifiée le moins possible. Décryptage avec l’économiste Michaël Zemmour.
1 : La dette publique serait due au financement des retraites
« Sur les plus de 1000 milliards de dette supplémentaire accumulés par notre pays ces dix dernières années, les retraites représentent 50 % de ce total. » C’est avec un mensonge que François Bayrou a commencé son discours de politique générale ce 14 janvier. « Il a repris une histoire qui a circulé il y a longtemps, selon laquelle le déficit du budget de l’Etat serait dû aux retraites…Ce n’est basé sur rien », souffle Michaël Zemmour.
Le calcul du Premier ministre semblait pourtant imparable. L’État finance chaque année 55 milliards d’euros de budget des retraites. Multiplié par 10, on atteint 550 Mds, soit un peu plus de la moitié des 1000 Mds de dettes. « Sauf que cela revient à considérer que chaque centime versé par l’État dans ce cadre est issu de l’emprunt, ça n’a aucun sens », poursuit l’économiste. Ce dernier rappelle que la France a choisi un mode de financement mixte pour son système de retraite. Avant tout un financement via cotisation sociales, complété par une somme versée par l’État.
« L’État paie les retraites des fonctionnaires, qui ne sont pas plus généreuses que celles du privé. D’autre part on a fait le choix de financer une partie du système des retraites par les ressources publiques parce qu’on ne voulait pas augmenter les cotisations. Dans ce cadre, considérer que la dette est due au financement des retraites n’a pas plus de sens que de considérer qu’elle serait, par exemple, due au budget du ministère des Armées. D’après le mode de calcul du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), on serait plutôt aux alentours de 60 Mds de dette sur dix ans dus au financement des retraites », continue l’économiste.
2 : Pour Bayrou, une renégociation des retraites « sans tabou »
Alors qu’une suspension de la reforme des retraites de 2023 était attendue par une partie de la gauche et semblait pouvoir le protéger d’une future censure, François Bayrou a finalement annoncé une simple phase de « renégociation rapide » de la réforme, sans aucune suspension. Pour mieux faire passer la pilule, le Premier Ministre a toutefois souhaité une négociation « sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite ». Seule ligne rouge : la nouvelle mouture de la réforme ne devra pas coûter plus cher que l’ancienne.
Les syndicats et le patronat sont ainsi invités à se réunir pour des négociations qui devraient durer 3 mois à partir de la date de remise d’un rapport de la Cour des comptes sur l’état actuel du système de retraites, demandé par le Premier ministre.
Mais la renégociation aura lieu dans un cadre particulièrement défavorable aux organisations de salariés. Tout d’abord parce que, « plus le temps passe, plus le nombre de personnes qui voient leur âge légal de départ et leur durée de cotisation décalés par la dernière réforme augmente », explique Michaël Zemmour. Mais surtout parce que « si aucun accord n’est trouvé, c’est la réforme actuelle qui s’appliquera », a assuré François Bayrou.
Or, qui peut croire que le patronat acceptera tranquillement de revenir sur une réforme qui lui convenait s’il n’y est pas contraint ? « On ne voit pas très bien ce qui empêche le MEDEF de venir à la table des négociations et de constater leur échec. C’est un scénario que l’on connait très bien car c’est celui que l’on observe lors des négociations sur l’assurance chômage (voir notre article)», estime Michaël Zemmour.
En effet, si les organisations syndicales veulent à la fois revenir sur les mesures d’âge et l’augmentation de la durée de cotisation sans creuser le déficit du régime, elles doivent aller chercher de nouvelles recettes. La CGT propose d’ailleurs de longue date des pistes pour récupérer jusqu’à 40 Mds d’euros pour les retraites. Le syndicat souhaite par exemple soumettre à cotisation l’intéressement et la participation, pour 2,2 Mds de recettes. Ou encore récupérer 24 Mds en soumettant les revenus financiers aux cotisations sociales.
Il va sans dire que l’augmentation de ces cotisations représente une ligne rouge pour les organisations patronales, qui se battent au contraire pour leur diminution. La future négociation « sans tabou » semble déjà bien contrainte.
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