François Bayrou a annoncé ce mardi les grandes lignes du budget 2026 et celles des années suivantes. Au programme dès l’an prochain, plus de 40 milliards d’économies. Sans surprise, les dogmes de la droite et du centre ne sont pas remis en cause : les entreprises et les hauts patrimoines seront peu mis à contribution, pendant que les revenus plus modestes porteront l’essentiel de l’effort qui sera réalisé par la baisse des dépenses publiques.
L’an dernier, Michel Barnier annonçait 60 milliards d’euros d’économies pour faire passer le déficit public de 6,1 % à 5 % du PIB. Après sa chute, le nouveau Premier ministre François Bayrou a fait adopter par 49-3 un budget comprenant 50 milliards de redressement des comptes publics, dont 32 milliards de baisse des dépenses. Pour l’année à venir, le chef du gouvernement annonce 43,8 milliards supplémentaires. Avec pour objectif de réduire le déficit public à 4,6 %.
Mais ce n’est pas tout. Comme son prédécesseur, François Bayrou fixe comme horizon de passer en dessous des 3 % de déficit en 2029. Dans le détail : 4,1 % en 2027, 3,4 % en 2028, puis 2,8 % en 2029. Un pourcentage qui correspond, selon le Premier ministre, à la fin du creusement de la dette française. Mais pas à la fin des efforts. Plutôt à une étape. En tout cas, les budgets 2027, 2028 et 2029 devraient ajouter près de 100 milliards d’économies supplémentaires aux déjà presque 100 milliards des années 2025 et 2026. Une cure d’austérité de quasi 200 milliards en cinq ans.
Pour parvenir à un déficit public de 2,8 % en 2029, François Bayrou a annoncé ce mardi 15 juillet deux plans conjoints : « un plan pour dire stop à la dette, un plan pour dire en avant la production ». Et pour vendre ses mesures d’austérité, le Premier ministre a agrémenté sa conférence de presse, pendant près d’un quart d’heure, de formules et de chiffres destinés à affoler l’opinion sur la situation financière du pays.
Bayrou invente le matraquage social
Nous devons « agir avec justesse et justice » a tenu à rassurer François Bayrou, avant d’égrener les mesures de redressement des comptes publics qu’il proposera au parlement à l’automne. Mais de justice il en a été peu question, au long d’une heure et quart de discours et d’annonces d’austérité budgétaire.
Au contraire, le chef du gouvernement a annoncé une année blanche qui affectera l’ensemble des pensions de retraite, des prestations sociales et des traitements des fonctionnaires. Estimant l’inflation à environ 1 %, cela implique une perte de niveau de vie d’autant l’an prochain. Les prestations sociales n’étant évidemment pas destinées aux foyers les plus riches, cette mesure sera proportionnellement plus dure pour les revenus les plus modestes comme les bénéficiaires du RSA.
François Bayrou a également révélé des économies de l’ordre de 5 milliards d’euros réalisées sur le budget de la Sécurité sociale. Dans le viseur, parmi d’autres : une partie des dépenses qu’il juge injustifiées ou réductibles pour les personnes souffrant d’affection de longue durée. Mais également le doublement à 100 euros de la franchise médicale ou encore la chasse aux arrêts de travail.
Les mesures de restriction affecteront aussi la fonction publique qui perdra 3000 postes de fonctionnaires dès l’an prochain. Et ce n’est probablement qu’un début puisque François Bayrou a expliqué qu’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite ne serait pas remplacé. De même, les budgets de chaque ministère seront revus à la baisse.
Comme l’an dernier, celui consacré à l’écologie fera les frais des mesures d’économies (2,1 milliards en 2025). Et tant pis si réparer coûte bien plus cher que prévenir et adapter, alors que le dérèglement climatique occasionne de plus en plus de catastrophes. Autres ministères qui subiront un nouveau coup de rabot : ceux de l’enseignement supérieur et de la recherche, du sport, de la culture, du travail etc. Les collectivités territoriales ne seront pas épargnées non plus. Elle devront supporter plus de 5 milliards d’économies, après les coupes de l’an dernier aux nombreuses conséquences sociales dans les territoires.
Pro-business un jour, pro-business toujours
Par contre pas d’annonces majeures de contribution pour les entreprises ou des plus hauts revenus. Il a bien été question de réduire des niches fiscales et sociales, mais sans en nommer aucune, ni en fixer le montant d’économies attendu. Au contraire, afin de réduire le déficit commercial du pays, François Bayrou a expliqué que son plan « En avant la production » passerait par un soutien aux entreprises. Toujours à leur écoute, le Premier ministre a annoncé la suppression de deux jours fériés que proposait le Medef en septembre 2024.
Ne pouvant ignorer le récent rapport sénatorial qui pointait 211 milliards par an d’aides aux entreprises, sans contrôle, le chef du gouvernement a promis une réflexion à venir et évoqué des pistes pour un gagnant-gagnant. A savoir, moins de subventions en échange de moins de contraintes et de normes. Plus que léger au regard des sacrifices exigés sans contrepartie envers la majorité de la population. Preuve du peu d’intérêt que François Bayrou porte à cette question, il a admis ne pas avoir connaissance des montants que cela pourrait rapporter à l’État.
A l’inverse, le Premier ministre a promis une énième réforme de l’assurance chômage devant rapporter 4 milliards d’euros. A cette occasion, il a une nouvelle fois avancé des arguments erronés sur les freins à la reprise d’emploi ou sur le scandale que représenterait les emplois non pourvus. En réalité, tout au plus 400 000 pour plus de 3 millions de chômeurs en catégorie A (n’ayant pas du tout travaillé dans le mois).
Des conséquences bien concrètes
Les mesures d’austérité décidées en début d’année ont eu des conséquences bien plus palpables que l’amoncellement de chiffres, souvent abstrait pour le plus grand nombre. Assurément les mesures annoncées aujourd’hui produiront les même effets à proportion.
Pour ne prendre qu’un exemple, dans le monde de la culture, l’année 2025 a vu à la fois une baisse du budget de son ministère et des coupes drastiques faites par les collectivités territoriales, dont les dotations ont été revues à la baisse. Avec pour résultat des compagnies qui mettent la clef sous la porte, des milliers d’actrices et d’acteurs du monde de la culture qui quittent leurs métiers et la baisse des offres culturelles pour la population. Notamment pour celles et ceux qui en sont le plus éloignés et qui bénéficiaient du Pass Culture.
Des conséquences que l’on peut observer à l’identique pour le sport, le monde associatif, le médico-social et pour bien d’autres.
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