Culture

Culture : les coupes budgétaires et le gel du Pass Culture suscitent colère et mobilisations

A l’automne, 3 000 personnes manifestaient à Nantes contre les coupes drastiques du Conseil régional dans le secteur de la culture. En ce mois de février, c’est au tour de l’Hérault de connaître ses premières mobilisations. Dans le viseur : des coupes similaires annoncées par le Conseil départemental, ainsi que le gel du Pass Culture. Un mouvement qui pourrait s’étendre dans les semaines à venir.

«Quand je sors de Joliot-Curie, je me dis que j’ai fait quelque chose de ma vie. On a vraiment l’impression que l’on a apporté quelque chose aux jeunes, à la société, pour leur avenir », s’enthousiasme Géraldine. Dramathérapeute, elle intervient autour d’ateliers théâtre sur le thème de l’égalité femmes-hommes, dans ce lycée de Sète où se mêlent filières généralistes, technologiques et professionnelles. Elle décrit des élèves, souvent réfractaires au début, mais qui ont un besoin vital d’expression corporelle et finissent par s’ouvrir.

Avec une de ses consœurs, réalisatrice d’un film sur la prostitution – également intervenante dans l’établissement – elle est venue devant le lycée Joliot-Curie ce mardi midi. Le personnel de l’établissement – avec le soutien des syndicats FSU, SUD, CGT et CNT – a proposé un rassemblement, juste avant les vacances scolaires, afin de protester contre le gel de la part collective du Pass Culture, annoncé fin janvier. Ainsi, ce mardi 11 février, une trentaine d’enseignants et de personnels de vie scolaire ont dénoncé cette mesure du gouvernement et accroché une banderole « Pas de lycée sans Pass Culture » sur les grilles de leur établissement.

« Jusqu’à fin juin, on ne peut plus faire aucune action, tout est gelé. Pour l’année prochaine, on passe de 40 000€ de budget pour nos 2 000 élèves à 30 000€. On va devoir faire des choix, réduire les activités, choisir des classes. Des élèves ne pourront pas bénéficier d’actions culturelles », se désole Lirari Hafida, professeure de lettres-histoire et référente culturelle de l’établissement. Un « scandale », renforcé par la sociologie du lycée : « on a un public qui vient beaucoup de milieux défavorisés. Les élèves ne vont pas de leur propre initiative aller visiter un musée, aller au cinéma ou au théâtre ».

Le même jour, à quelques dizaines de kilomètres de là, les enseignants du collège Paul Dardé à Lodève se sont mis en grève à l’appel du SNES-FSU et de SUD-éducation. Parallèlement, les parents d’élèves ont appelé à une journée collège mort. Ici, en plus du gel du Pass Culture : une baisse de la dotation horaire globale. « A Lodève, on est en zone de revitalisation rurale et l’offre culturelle ne tient à pas grand-chose. Tout le monde a bien compris que si on avait moins de moyens pour le Pass Culture, on ne pourrait pas faire vivre les associations, le cinéma, etc. Cela aura un impact au quotidien sur les structures culturelles du Lodévois », explique Pierre, enseignant et militant à SUD-éducation.

Mardi, seuls 40 enfants sur un effectif de près de 700 élèves se sont rendus au collège. Après un rassemblement le matin devant l’établissement, agrémenté d’un mini-concert organisé par des parents d’élèves, une grosse cinquantaine de personnes, enseignants, acteurs culturels et intermittents du spectacle se sont rassemblés devant la sous-préfecture entre midi et deux heures. Une forte mobilisation de nature à inquiéter le rectorat, qui a proposé de recevoir une délégation en audience dès le lendemain, mercredi 12 février.

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Avant celle-ci, Pierre et plusieurs de ses collègues mobilisés la veille manifestaient aux côtés des syndicats du secteur du spectacle et de la coordination des intermittents et précaire du Languedoc-Roussillon (CIP-LR), à l’occasion d’un appel à rassemblement devant l’Opéra Comédie. En plus de la question du gel du Pass Culture, les inquiétudes des acteurs culturels locaux se portent sur les coupes budgétaires dans les collectivités territoriales. Dans une certaine confusion, Kléber Mesquida, le président PS du conseil départemental de l’Hérault, a mis le feu aux poudres. Celui qui disait passer son budget « aux ciseaux, à la tronçonneuse, au sécateur », annonçait fin janvier la suppression de 100 % des subventions non obligatoires pour la culture, avant de communiquer en urgence sur des chiffres inférieurs pour combler les déficits du département. Mais quel que soit le niveau de la saignée qui figurera dans le budget dans les semaines qui viennent, les conséquences seront majeures pour la culture dans l’Hérault. D’autant que d’autres coupes pourraient s’ajouter : celles de la région Occitanie présidée par la socialiste Carole Delga.

« L’accès à une pluralité de regards donné à tous dans les collèges et les lycées c’est terminé. L’accès au théâtre par l’insertion, c’est terminé. Tout ce qui était dispositifs pour que la culture soit un bien, avec des droits culturels c’est fini », explique Claire Hengel, animatrice de la CIP-LR et responsable du Syndicat national des arts vivants (syndicat d’employeur). Avec pour conséquence de fragiliser les structures culturelles et évidemment l’emploi. Pour les quelques 10 000 intermittents du spectacle que compte le département, c’est le risque de la perte du régime d’indemnisation chômage lors des périodes non travaillées. Et ce pourrait être massif. « On l’évaluait à un sur trois et cela peut rapidement devenir un sur deux », assure Claire Hengel de la CIP-LR.

Les 200 personnes rassemblées devant l’Opéra ce mercredi ont décidé de manifester jusqu’à la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), où une délégation a été reçue. Mais la mobilisation pour obtenir « un autre budget » va se poursuivre dès ce samedi et pourrait grandir. Une nouvelle manifestation s’élancera à 14h30 du Centre Chorégraphique national de Montpellier le 15 février.

L’Hérault n’est pas le seul département à se mobiliser face aux coupes budgétaires dans la culture qui s’annoncent dans de très nombreuses collectivités territoriales, qu’elles soient de gauche ou de droite. Mardi soir, une assemblée générale proposée par la CGT-Spectacle regroupait près de 500 personnes et remplissait la grande salle de la Bourse du travail de Paris. Une nouvelle assemblée est programmée la semaine prochaine et pourrait déboucher sur une semaine d’action mi-mars, avec de probables arrêts de travail dans l’audiovisuel et le spectacle vivant. A Marseille également, trois à quatre cents personnes se réunissaient au Théâtre de la Friche la semaine dernière.