Il n’aura fallu que 43 jours au gouvernement pour faire voter par les deux chambres du parlement son projet de loi « visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations ». La République en Marche a reçu le renfort des sénateurs Les Républicains pour adopter le même texte que celui voté par l’Assemblée nationale, accélérant ainsi la procédure.
Il n’y aura pas de navette supplémentaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat. La droite, majoritaire à la haute assemblée a décidé mardi 12 mars par 210 voix contre 115, d’adopter en l’état le texte voté par les députés le 5 février dernier. Avant d’être définitivement validée, la loi devra être examinée par le Conseil constitutionnel qui a été saisi par l’opposition de gauche, mais aussi de façon plus surprenante par le chef de l’État. Peut-être une manière de couper l’herbe sous le pied des députés de sa majorité hostiles au texte, et de donner des gages, au moins symboliquement, aux différences instantes internationales ayant critiqué un usage disproportionné de la force contre les manifestations des gilets jaunes.
Fouiller les manifestants
Les officiers de police judiciaire peuvent être autorisés à fouiller les lieux et les abords d’une manifestation sur demande du procureur. Sont concernés les « bagages » des personnes comme les véhicules circulant ou stationnant à proximité des défilés. Cette autorisation de fouille a pour fonction selon le texte voté par le Sénat de rechercher des armes, notamment des armes par destination. Cependant, le législateur a pris le soin de préciser que toute autre infraction constatée pendant une de ces fouilles « ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ».
En clair : un manifestant pourra être poursuivi pour n’importe quelle infraction constatée à l’occasion de ces fouilles. Dans les faits, cet article de la loi « anticasseurs » pourrait permettre au gouvernement de procéder à des fouilles quand il le souhaite. En effet, les procureurs sont bien moins indépendants que les juges vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Interdiction de manifestations
Les préfets peuvent désormais prendre des arrêtés motivés pour interdire de manifestation des individus qui représenteraient selon eux « une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Ces interdictions n’étaient jusque là prises que par des juges, généralement en complément d’une condamnation judiciaire pour des faits de violence. Le texte de loi évoque des critères objectifs, mais en évinçant la justice au profit d’une décision administrative, les interdictions de manifestations seront établies sur les dires de la police et de la préfecture.
Toute personne interdite du droit de manifester pourra en plus recevoir une convocation de la part de toute autorité que le préfet désignera, le plus souvent la police, parfois la gendarmerie. En cas de non-respect d’une interdiction de manifestation, la peine encourue atteint six mois d’emprisonnement et 7500 € d’amende. La décision administrative des préfets peut concerner l’ensemble du territoire selon les circonstances et s’étendre sur un mois.
Délit de dissimilation du visage
La loi créée un délit de « dissimilation volontaire du visage », que celui-ci soit totalement ou partiellement masqué. Ainsi, toute personne dissimulant son visage pourra être condamnée à un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende. Ce sera au manifestant d’apporter la justification qu’un « motif légitime » l’a conduit à couvrir son visage. Techniquement, toute personne défilant dans les cortèges de gilets jaunes peut tomber sous le coup de cet article de la loi « anticasseurs » : les protections contre les gaz lacrymogènes que portent la majorité des manifestants recouvrent une partie du visage.
Taper au portefeuille, inscrire au fichier des personnes recherchées
La loi « anticasseurs » introduit la possibilité pour l’État d’exercer des recours civils contre des personnes dont il est fait la preuve qu’elles ont participé à des dégradations. Et ce, même en l’absence de condamnation pénale pour les faits concernés. Ainsi, en plus de toutes les dispositions décrites plus haut, le gouvernement se dote d’un moyen de pression supplémentaire : des condamnations financières.
Enfin, le fichier national des personnes interdites de manifestations sur le modèle des interdictions de stade n’a pas été retenu par les parlementaires. Face au tollé que la mesure avait provoqué à son annonce, la majorité ne l’a pas maintenu lors du vote à l’Assemblée nationale le 5 février. Par contre, les personnes interdites de manifestation seront inscrites dans le fichier des personnes recherchées jusqu’à la fin de leur interdiction. Potentiellement trois ans.
Lire aussi : Gouvernement : réduire autant que possible le droit effectif de manifester
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