Pour la première fois depuis la création de ce statut qui a remplacé les emplois étudiants de « pions » en 2003, les assistants d’éducation seront en grève le 1er décembre aux quatre coins du pays. Une carte collaborative indique plusieurs centaines de vies scolaires touchées par la grève et une quarantaine de rassemblements dans tout le pays. Yann, assistant d’éducation dans un collège à Agde (Hérault) a répondu à nos questions sur les raisons de ce conflit inédit.
Peux-tu nous dire quelle a été la genèse de ce premier mouvement national des AED ?
La grève nationale de mardi est venue d’une grève qui a eu lieu dans l’académie de Marseille sur la question du statut des AED le 19 novembre. Ce sont eux qui ont lancé un appel aux autres académies. C’est parti dans tous les sens et des collectifs se sont rapidement montés un peu partout avec un consensus sur les revendications portées.
Ici, nous avons commencé à quelques-uns, puis avons contacté d’autres établissements. Nous nous sommes rejoints puis répartis les vies scolaires à contacter pour prendre la température et leur parler de la mobilisation. Cela s’est fait de façon très simple, très spontanée, chacun apportant sa patte, ce qui était très rafraîchissant. Il y a eu une très bonne réception dans les vies scolaires parce que le vécu est partagé. C’est la première fois que je vois un tel élan, où tu n’as pas vraiment besoin d’aller chercher les gens.
Quelles sont les raisons qui poussent les assistants d’éducation à se mettre en grève le 1er décembre ?
C’est maintenant la troisième génération d’AED, vu que ce sont des contrats qui sont limités à 6 ans. Il y a une accumulation de mécontentements, avec au centre la question de la précarité. Nous avons des contrats renouvelables chaque année. Tu as toujours peur que ton contrat ne soit pas renouvelé. De plus, il y a une multitude de temps partiels, des 50 % ou des 75 %. Et le travail d’AED, c’est plus de 40 heures semaines (35 heures annualisées – NDLR) pour un SMIC. Avec une absence de formations, de débouchés, et aucune qualification au terme des 6 années, alors que ces 40 heures par semaine ne laissent pas de temps pour faire autre chose.
En plus, les établissements et les rectorats tirent sur la corde. Dans la période actuelle, l’arrivée des protocoles sanitaires a fait l’effet d’une étincelle. La charge de travail des assistants d’éducation a été augmentée, parfois les pauses raccourcies. Ils ont fait peser une charge sur nos épaules qui était bien trop importante et inacceptable. Cela n’a fait que renforcer toute la colère et le mal-être qui existait déjà, au point que la situation devienne irrespirable pour beaucoup d’AED. Ils se sont saisis de cette date du 1er décembre pour se regrouper et montrer leur colère. C’est ce qui domine dans les vies scolaires. Mais très vite, les AED avec lesquels nous sommes en contact ont considéré que le cœur du problème était le statut.
Un statut qui nous donne le sentiment d’être parmi les personnels les plus méprisés et les moins considérés de l’Éducation nationale. Tout cela est remonté avec la mise en place des protocoles sanitaires. D’autant que celui-ci a réduit notre fonction à son aspect purement sécuritaire. Cela a été vécu comme quelque chose de dégradant par beaucoup d’AED.
Quelles sont vos revendications ?
Sans qu’elles soient à 100 % homogènes partout, le premier point est lié au statut. Nous portons une demande de titularisation. Certains la déclinent sous la forme d’un passage en CDI, nous, en réclamant une inscription dans un statut de la fonction publique. En tout cas, ce que veulent les AED c’est une pérennisation de leur statut. Il est aussi question de la fin de la limitation à 6 ans.
Nous demandons aussi la prime REP pour tous nos collègues travaillant en éducation prioritaire, et qui en sont exclus. Également, un plan d’embauche massive dans les vies scolaires parce qu’à l’heure actuelle les collègues absents, malades, ne sont pas remplacés, alors que les équipes fonctionnent déjà à flux tendus depuis des années. Nous demandons aussi un allègement de la semaine de travail sans perte de salaire et sans la perte des vacances. Dans l’Hérault, nous demandons un 35 heures par semaine, mais à Paris ils réclament un passage aux 32 heures, comme au temps des surveillants d’externat avant 2003.
Il y a eu beaucoup de mobilisations dans l’éducation cette année. Avez-vous des liens, voire du soutien, avec les enseignants et les syndicats de l’Éducation nationale ?
Nous verrons après le 1er décembre sa portée, mais il y a déjà du soutien de la part de collègues titulaires enseignants et de quelques conseillés principal d’éducation (CPE). Du côté syndical, nous avons reçu beaucoup de soutien de Sud-éducation qui a respecté l’autonomie de notre mouvement, mais aussi de la CGT-EducAction qui était très active à Marseille, où la mobilisation a été initiée. Cela rassure les collègues AED qui sont très peu syndiqués.
Faisons face ensemble !
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