Il y a des chiffres qui ne trompent pas. 260 000 personnes dans les rues de Barcelone, un mois après le début de l’occupation de la Puerta del Sol à Madrid, par une jeunesse criant son exaspération d’une crise économique qui touche durement l’Espagne depuis 2008. Une protestation disparate contre une classe politique qui ne les représente pas. Mais aussi 150 000 manifestants à Madrid en provenance de plusieurs marches issues des quartiers de la ville. Et 80 000 à Valence, 45 000 à Séville, et ainsi de suite dans plus d’une centaine de localités. Une déferlante !
Des millions d’Espagnols qui cherchent une « démocratie réelle » à travers une réappropriation sans intermédiaires du débat politique au sein des places occupées. Et ce, partout dans le pays, des grandes villes, mais aussi dans des villages. Un mouvement qui dure, malgré la tentative d’évacuation de la place de Catalogne par los mossos (police catalane) le 24 mai qui fait une centaine de blessés, puis la levée du camp de la Puerta del Sol le 12 juin. Des luttes partout, et plusieurs années encore après le lancement du mouvement : contre les expulsions de logements hypothéqués, contre les coupes budgétaires dans la santé, l’éducation, etc.
Mais en face, un gouvernement Rajoy inflexible et inamovible. Alors pointe la tentation de jouer dans le jeu institutionnel en participant aux joutes électorales. Puis s’affirme l’émergence de Podemos, vécue comme une confiscation du mouvement par une partie de ses participants. Et depuis : la fragmentation du bipartisme espagnol. Et enfin surtout, la fin d’une période d’espoir qui s’était aussi manifesté dans le Printemps arabe, la révolte grecque ou Occupy Wall Street aux États-Unis. Et l’arrivée d’un nouveau moment politique. Celui des replis. Celui des Trump, Johnson et Bolsonaro.
Avec ses effets espagnols : le retour des éléments les plus durs à la tête du partido popular (droite) et l’émergence en trois ans d’une extrême droite revancharde et agressive, dans un pays qui faisait exception jusque là en Europe en la matière.
Faisons face ensemble !
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