Calais expulsions grève de la faim

Pierre, ancien boulanger, 20 jours de grève de la faim en soutien des exilés


« Toute personne qui passe deux ans là-dedans, soit elle s’en va, soit elle saute sur les CRS, soit elle fait comme moi », soupire Pierre Lascoux, la voix lente et déterminée au commencement de son vingtième jour de grève de la faim. Âgé de 62 ans, l’homme est un citoyen très actif dans l’aide aux exilés le long du littoral nord de la France. « Là-dedans », ce sont ces campements du Calaisis où il intervient, en particulier celui de Loon-Plage, où survivent près de 2000 personnes désireuses de rejoindre le Royaume-Uni.

« J’y ai vu des scènes insupportables », résume pudiquement le bénévole, engagé au sein de l’association Salam (qui assure entre autres des distributions alimentaires) depuis l’été 2021. Après 27 ans à travailler comme boulanger au sein d’un fournil dans le Tarn, l’homme est marqué par les images qui lui viennent du camp de Mória, en Grèce. Sa boulangerie ferme en mars 2021 : quelques mois plus tard, le voilà rendu dans le Calaisis pour s’investir dans le soutien aux exilés.

Chaque matin, dès 7 heures, l’homme se rend à Loon-Plage avec le camion de son ancienne boulangerie. En cas de démantèlement du camp par les forces de l’ordre – comme cela se produit régulièrement -, « j’ouvrais mon camion pour que les gens puissent y mettre leurs tentes et leurs affaires », afin qu’elles ne soient pas confisquées ou détruites. « Lorsqu’il pleuvait beaucoup, je ne prenais pas les affaires : je mettais à l’abri les femmes et les enfants », précise-t-il. Mi-octobre, son camion a été saisi par un huissier de justice et un officier de police, en présence du sous-préfet. Pierre Lascoux a porté plainte pour vol de véhicule.

Le 22 novembre, il entame une grève de la faim, avec une revendication principale : l’accès à l’eau pour les exilés. « C’est un droit fondamental. Les gens ne sont pas venus d’Afghanistan pour boire un verre d’eau », lance-t-il en réponse à l’argument de l’appel d’air brandi par les autorités. Celles-ci « ne veulent pas ni que ces exilés soient là ; ni qu’ils partent [les forces de l’ordre tentent d’empêcher les départs dans le cadre de l’accord franco-britannique, ndlr]. Elles voudraient que ces gens disparaissent. Ce qui n’arrivera pas », insiste le gréviste de la faim. « C’est une vaste comédie. C’est de la souffrance humaine pour rien ».

Déjà en 2021, deux citoyens solidaires et un prêtre avaient tenu une grève de la faim pendant 38 jours avec un message similaire. « Les autorités vont jouer la montre contre moi, quand elles verront que ça dure et que ça fait du bruit », jauge Pierre Lascoux, qui avait suivi de près cette mobilisation. « Si ça ne donne rien comme la dernière fois, et bien tant pis. Ce qui m’intéresse, c’est que l’on mette au moins en lumière ce qu’il se passe ici ». Le bénévole organise ce soir une conférence de presse à la maison Sésame, un lieu d’hébergement solidaire situé à Herzeele, qu’il souhaite ériger en exemple d’accueil pour le Calaisis.