1er mai, intersyndicale

1er mai : regain de mobilisation pour un mouvement qui refuse de s’éteindre

Le gouvernement espérait un baroud d’honneur, ce 1er mai raconte une tout autre histoire. Pour le treizième rendez-vous de mobilisation contre la réforme des retraites, à l’occasion de la journée de lutte des travailleuses et travailleurs, 782 000 personnes ont défilé dans tout le pays selon les autorités.

 

Historique, inédit ou surprenant, ce 1er mai 2023 restera dans les annales par le nombre de personnes qu’il a rassemblées. Avec 782 000 manifestants selon le ministère de l’Intérieur (2.3 millions selon la CGT) dans quelque 300 communes, il se place au second rang des 1ers mai les plus massifs de ces 30 dernières années. Derrière le 1er mai 2002, dans l’entre deux tours d’une présidentielle qui avait vu arriver un Le Pen au second tour pour la première fois. Mais au-dessus du dernier 1er mai unitaire de 2009, qui avait réuni 465 000 manifestants, juste après la crise financière mondiale.

Une telle fréquentation souligne, une fois encore, la profondeur de l’opposition à la réforme des retraites dans la société française. De nouveau, la mobilisation a été importante dans les villes moyennes. Ainsi, 17 500 personnes ont défilé dans les rues de Brest et du Havre, selon la presse locale. De mêmes sources, 12 000 manifestants ont été comptabilisés à Saint-Nazaire, 8000 à Pau, plus de 5000 à Saint-Brieuc et à Châteauroux. Dans les grandes villes, les chiffres policiers diffèrent fortement de ceux des syndicats. À Lyon, entre 17 000 et 45 000 manifestants ont défilé. Entre 17 500 et 80 000 à Nantes, 14 000 et 25 000 à Clermont-Ferrand, 13 500 et 100 000 à Toulouse, 15 000 et 38 000 à Grenoble, 16 300 et 40 000 à Caen, ou encore 8000 à 18 000 à Montpellier. A Paris, ce fût l’une des plus importante manifestation depuis le début du mouvement : 112 000 selon la préfecture de police, 500 000 selon les syndicats.

 

Regain de mobilisation ce 1er mai

 

Quels que soient les chiffres que l’on retient, ce 1er mai 2023 vient contredire la règle qui veut qu’une fois votée, puis promulguée, une loi ne suscite plus de contestation dans la rue. Ce 1er mai se paye deux luxes. D’abord, celui d’inverser la tendance des mobilisations contre cette réforme des retraites. En effet, on assiste à un regain de participation, après quatre journées où le nombre de manifestants baissait inexorablement : 1 090 000 le 23 mars, 740 000 le 28 mars, 570 000 le 6 avril puis 380 000 le 13 avril, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

Ensuite, les 782 000 manifestants d’aujourd’hui détonnent également lorsqu’on les compare à une autre longue et puissante mobilisation : celle de 2010. A cette époque, Nicolas Sarkozy avait fait passer de 60 à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite. Après des mois de contestation et plusieurs manifestations dépassant le million de participants, selon les chiffres de la police, la manifestation qui avait suivi de deux semaines la promulgation de la loi n’avait réuni que 52 000 personnes. Soit 15 fois moins qu’aujourd’hui.

 

Ce n’est pas un baroud d’honneur

 

« Nous avons des perspectives claires puisque le 8 juin prochain, l’abrogation de cette réforme va pouvoir être votée, avec la proposition de loi du groupe LIOT qui sera examinée à l’Assemblée nationale et qui vise à supprimer la retraite à 64 ans », a déclaré Sophie Binet de la CGT, avant le départ du cortège parisien. Laurent Berger de la CFDT ne disait pas autre chose ce matin dans la matinale de France Info, en demandant aux députés de voter la proposition de loi du groupe LIOT, pour sortir de la crise et reprendre les discussions à zéro. Demain, l’intersyndicale se réunira dans la matinée. En écho à la détermination qui s’est exprimée par la forte participation à ce 1er mai, elle devrait proposer de nouvelles échéances. Mais lesquelles ?

La volonté d’une partie des syndicats d’étendre et d’installer durablement la grève dans de très nombreux secteurs, afin d’obtenir le retrait de la réforme, n’a pas été suffisamment couronnée de succès. Les grèves reconductibles dans l’énergie, les transports ou la filière déchet ont pris fin au début du mois d’avril. Un nouvel appel à des grèves dures, avec pour objectif de gagner par l’instauration de ce type de rapport de force, est donc exclu a priori. D’où, les déclarations des numéros un de la CGT et de la CFDT qui fixent comme échéances la décision du Conseil constitutionnel le 3 mai sur la seconde proposition de référendum d’initiative partagé, ainsi que la proposition de loi d’abrogation de l’article 7 par le groupe LIOT le 8 juin à l’Assemblée.

Une façon de continuer la bataille et de se mettre au diapason d’un mouvement qui ne souhaite pas s’arrêter. Depuis la promulgation de la loi mi-avril, de nouvelles actions, parfois jubilatoires, ont émergé, menées par des milliers, voire des dizaines de milliers de syndicalistes et de militants. Des casserolades à chaque déplacement de ministres, une « grevilla » et même « 100 jours de zbeul » avec un classement départemental, pour contrer la feuille de route de 100 jours, annoncée par l’exécutif, afin de passer à autre chose. Le tout dans un contexte où plus de 60 % de la population dit vouloir une poursuite du mouvement dans les sondages d’opinion.