Pôle emploi

20 novembre : grève très suivie à Pôle emploi

 

Confrontés à plusieurs milliers de suppressions de postes, les agents de Pôle emploi sont nombreux à avoir cessé le travail. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail et l’impossibilité de rendre un service public de qualité. Au même moment, l’Assemblée nationale a entériné la réduction de 800 premiers postes pour 2019, inscrite dans la loi de finances.

 

À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Le gouvernement a annoncé au printemps la suppression de 4000 équivalents temps plein travaillés d’ici 2022 à Pôle emploi, prétextant une baisse du chômage et une numérisation des procédures pour les demandeurs d’emploi. « Un équivalent temps plein travaillé, c’est quelqu’un qui travaille du 1er janvier au 31 décembre, sans compter les congés, les maladies et les temps partiels : c’est une personne qui n’existe pas », prévient Karine qui travaille au service contentieux. Avec un personnel composé à 80 % de femmes, les temps partiels représentent plus de 30 % du nombre total d’agents.

Présente devant l’agence de Castelnau-le-Lez dans l’Hérault avec ses collègues en grève, Karine assure que le nombre de postes concernés approcherait en réalité plutôt les 7000. En attendant 2022, ce sont déjà 800 emplois qui sont sur la sellette pour l’année à venir. La loi de finances 2019, votée en première lecture à l’Assemblée nationale ce 20 novembre, entame les coupes dans les effectifs de l’agence publique pour l’emploi. C’est cette date qui a été choisie par l’intersyndicale pour déposer un préavis de grève de 24 h, en espérant peser sur la décision. À la mi-journée, la direction annonçait environ 30 % de grévistes dans des services peu habitués à des chiffres de grèves importants.

De leur côté, les syndicats avancent un nombre de grévistes avoisinant les 40 %, considérant que le chiffre donné par la direction est établi sur l’effectif global et non sur celui réellement en poste ce jour-là. Signe d’une journée de grève réussie : des salariés qui n’avaient jamais fait grève auparavant ne sont pas venus travailler ce matin. Autre indicateur confirmant la réussite de la mobilisation : de nombreuses agences sont restées fermées un peu partout sur le territoire. Une situation assez exceptionnelle à Pôle emploi les jours de grève.

 

Pôle emploi : « c’est un médecin qui reçoit son patient avec la grippe »

 

« Quand le chômage augmente, on embauche des CDD, quand il baisse on supprime des CDI », commente une militante de Force ouvrière présente aux côtés de Karine et d’une petite trentaine de grévistes devant le Pôle emploi. L’argument de la baisse du nombre de demandeurs d’emploi pour justifier la baisse des effectifs passe particulièrement mal. « La suppression de 4000 emplois, cela revient à liquider l’équivalent de tous les agents de la région Occitanie », s’emporte-t-elle. Autre source de mécontentement : la précarité, dont les gilets bleus, ces jeunes en service civique ayant remplacé les contrats aidés, sont la caricature.

Affectés à l’animation de la salle d’accueil, ils accueillent, orientent et aident des demandeurs d’emploi souvent déboussolés par la « machine Pôle emploi ». Une activité nécessaire à la bonne marche des agences. Le tout sans formation affirme la militante de Force ouvrière. Autre point de critique : l’externalisation d’activités avec des sous-traitants qui gèrent les recherches d’emplois pour une partie des chômeurs. Une précarité qui devrait s’accentuer avec la réforme de la fonction publique basée sur le rapport Cap 2022. Celui-ci préconise pour Pôle emploi une remise en question de sa convention collective qui fixe à 5 % le seuil indépassable de recours aux CDD. Un paradoxe au moment où les négociations sur l’assurance chômage ont dans leur cahier des charges la possible taxation des entreprises recourant trop fréquemment à ce type de contrats courts.

 

Un quotidien insupportable

 

Si la question de l’emploi est au cœur de la journée de grève du 20 novembre, elle n’est pas la seule. Les conditions de travail et le service public de l’emploi sont également dans toutes les têtes. « Quand on détricote un service public, ce sont d’abord les usagers qui trinquent », explique Thomas, le secrétaire héraultais du syndicat CGT Pôle emploi. « Chaque conseiller a entre 400 et 2000 demandeurs d’emploi dans son portefeuille », renchérit la syndicaliste de Force ouvrière. Dans ces conditions, seule l’urgence est traitée assure-t-elle. Avec autant de « clients », la déshumanisation d’un public déjà en difficulté est au rendez-vous. Le malaise grandit chez les agents et la souffrance au travail pointe le bout de son nez.

Karine, elle, revient sur une image qui l’a marquée : « un jour, un collègue est resté figé face à son ordinateur devant une avalanche de mail, puis il s’est mis à pleurer ». Des situations trop fréquentes qui commencent à toucher également les plus solides, selon elle. En cause pour Karine, des procédures qui changent du jour au lendemain, des conditions de travail absurdes et une perte de sens. L’accompagnement des chômeurs est touché de plein fouet par la dématérialisation des échanges. Une numérisation, notamment pour les actualisations mensuelles, que Karine juge inadaptée à la réalité de la précarité du travail aujourd’hui. « On nous demande de cocher des cases, de faire un traitement de masse, tant pis pour les erreurs, elles sont gérées par les réclamations. »

Une tendance qui devrait être renforcée dans les années à venir. Le rapport Cap 22 préconise en effet de rendre les chômeurs plus autonomes dans leurs démarches, accentuant le recours au tout numérique déjà en vogue à Pôle emploi comme ailleurs. Dans cette vision de l’avenir du service public de l’emploi, la relation humaine disparaît petit à petit. C’est une des raisons pour laquelle l’intersyndicale nationale déclare : « Aucun poste n’est en trop à Pôle emploi ».