Quatre fédérations syndicales de la santé (CGT, FO, SUD, UNSA) appellent les professionnels de l’hôpital public, des établissements du sanitaire, du social et du médico-social à une première journée de mobilisation ce 29 octobre partout sur le territoire. En cause : les coupes dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale, discutées cette semaine à l’Assemblée nationale.
« L’hôpital va tuer ! Par manque de moyens on va encore se retrouver avec des situations comme on les connaît aux urgences, avec des malades qui meurent sur des brancards », s’emporte Didier Birig, le secrétaire général de FO Santé. Le syndicaliste dénonce « une situation de déliquescence » à l’hôpital : « ce sont des 20, 30 ou 40 heures passées aux urgences sur un brancard, ce sont des patients dans les couloirs qui appellent pour pouvoir uriner et des aides-soignantes qui ne savent plus où donner de la tête et ne peuvent pas répondre à tout ». Une situation plus critique encore loin de la région parisienne et des métropoles dotées de CHU, assure-t-il.
Pourtant, la lumière au bout du couloir n’est pas à l’ordre du jour. Les professionnels de santé, comme ceux de l’Éducation nationale, vont devoir encore se serrer la ceinture en 2025. Les députés examinent cette semaine le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) qui prévoit une augmentation de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) de seulement 2,8 %.
Bien en-dessous de l’augmentation naturelle des dépenses à moyens constants – du fait de l’inflation et de l’augmentation de la population – que les syndicats estiment autour de 6 %
D’où le dépôt d’un préavis de grève pour le 29 octobre et la publication d’une déclaration commune le 11 octobre dernier par quatre syndicats (CGT, FO, SUD et UNSA) représentatifs dans la fonction publique hospitalière. Cette journée de mobilisation sera assortie de manifestations sur l’ensemble du territoire, dont l’un des objectifs est d’interpeller les députés dans leurs circonscriptions, pour qu’ils ne votent pas le PLFSS. À Paris, les soignants se rassemblement ce mardi à partir de 13h devant l’Assemblée nationale (côté Invalides).
Un plan Marshall pour la santé
« La priorité pour de nombreux concitoyens dans notre pays, c’est les questions de santé », rappelle Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé et action sociale. À rebours de la baisse du remboursement des consultations médicales ou des médicaments, décidée par le gouvernement, elle réclame, comme ses homologues syndicaux, un « Plan Marshall » pour la santé : « maintenant il faut considérer que c’est une urgence nationale et qu’il faut un électrochoc financier ». À savoir une augmentation de 10 % de l’Ondam que réclament les syndicats « pour mieux prendre en charge la population et améliorer les conditions de travail », explique la responsable de la CGT Santé et action sociale. Un préalable pour que les métiers du soin gagnent en attractivité.
Les employeurs du secteur exigent, eux aussi, une hausse des moyens pour l’hôpital. La Fédération hospitalière de France s’alarme d’un Ondam aussi faible et réclame son augmentation à hauteur de 6 % pour 2025. Avec une progression de seulement 2,8 % des dépenses de santé, « l’hôpital public, les établissements du sanitaire et du médico-social feront les économies sur le personnel, puisque ce sont des métiers où l’on a affaire à des humains et où la masse salariale représente souvent 80 % du budget des établissements », s’inquiète Mireille Stivala.
Les jours de carence vont-ils mettre le feu aux poudres ?
La mobilisation contre le budget de Michel Barnier s’annonçait initialement plutôt modeste en nombre de grévistes, du fait du manque cruel de personnels dans les services et des réquisitions. De plus, une certaine désespérance s’est emparée des soignants depuis le Covid et la baisse chronique des moyens alloués à l’hôpital par la suite. Une situation que résume Didier Birig en une formule choc : « les agents hospitaliers ne font plus la grève, ils quittent l’hôpital ». Pourtant, « la mobilisation a déjà commencé et elle est quotidienne » explique Mireille Stivala, rappelant que des établissements étaient déjà en grève cet été, pour demander des moyens supplémentaires. Demain, plus que « les taux de grévistes qui ne veulent plus rien dire dans notre secteur […] c’est le nombre d’établissements qui ont fait des actions et se sont mobilisés » qu’il faudra regarder, analyse la syndicaliste.
Et il n’est pas exclu que l’annonce du ministre de la Fonction publique dimanche d’imposer trois jours de carence sur les arrêts maladie et de plafonner à 90 % la compensation du salaire des fonctionnaires donne du carburant à la mobilisation. En tout cas, c’est une mesure qui fait ressurgir la colère héritée de la période Covid, lors de laquelle les soignants en première ligne ont été encensés, mais ont vu les conditions d’exercice de leurs métiers se dégrader sans cesse depuis. Une provocation, aux yeux des syndicats de soignants, qui ne restera pas sans réponse.
Déjà, les quatre syndicats ont déposé un nouveau préavis de grève qui prendra effet lundi 4 novembre, reconductible cette fois-ci, afin de peser durant tout le temps des débats sur le PLFSS à l’Assemblée nationale. « Nous n’allons pas accepter la façon dont ce gouvernement s’essuie les pieds sur les agents hospitaliers et sur les malades », assure Didier Birig de FO Santé qui réfléchit à publier les noms et les votes des députés sur le budget de la Sécurité sociale.
Parallèlement, les fédérations syndicales de la fonction publique échangent, depuis lundi matin, sur la nature d’une réponse commune aux annonces gouvernementales sur ces arrêts maladie des agents publics. Une journée de grève dans les trois versants de la fonction publique pourrait être annoncée dans les prochains jours.
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