Alors qu’une troisième vague menace, la question de la fermeture ou non des écoles revient en force. Au mois de novembre, des grèves et des droits de retraits en cascade avaient imposé à Jean-Michel Blanquer le dédoublement des classes dans le secondaire. Cette fois-ci, une certaine lassitude semble l’emporter, même si une journée nationale de grève est en préparation pour le 26 janvier.
À ce jour, les positions du gouvernement et du ministre de l’Éducation nationale n’ont pas bougé d’un iota. Ni fermetures d’écoles ni évolution particulière du protocole sanitaire dans les établissements, alors qu’un nouveau conseil de défense se tient ce mercredi 13 janvier. Et ce malgré les messages d’inquiétude du gouvernement sur un rebond épidémique après les fêtes et la présence sur le territoire français du variant britannique du SRAS-CoV2.
« Il ne faut pas d’emblée priver les enfants d’école alors que c’est quelque chose d’essentiel, simplement parce que l’on aurait des interrogations qui sont très discutables », expliquait doctement Jean-Michel Blanquer à propos d’un report de la rentrée scolaire du 4 janvier. Une rentrée qu’il a confirmée la veille du retour en classe, le dimanche 3 janvier sur BFM-TV. Agacement assuré des enseignants et parents d’élèves devant tant d’anticipation. Pourtant, des épidémiologistes évoquaient sérieusement l’option d’un report, au moment où l’Irlande, l’Allemagne, ainsi qu’une partie du Royaume-Uni, de l’Italie et de l’Espagne préféraient différer la rentrée des élèves.
Déni gouvernemental, impréparation ministérielle
Une semaine plus tard, la ligne du ministre n’a pas bougé, malgré un cafouillage sur un possible allongement des vacances de février. Un coup peut-être, un coup pas du tout, laissant imaginer l’absence d’un plan déjà dessiné en cas d’emballement de l’épidémie. La position du ministre a même été confortée par les propos de jean Castex, lors de sa conférence de presse du 7 janvier pendant laquelle il a annoncé des couvre-feux : « il faut vraiment que la situation sanitaire soit gravissime pour fermer les écoles. » Même le ministre de la Santé est venu à la rescousse. Le même jour, en considérant qu’il n’y avait pas lieu de fermer les cantines scolaires. Puis trois jours plus tard : « avec Jean-Michel Blanquer, nous avons organisé un programme de dépistage du virus encore plus puissant que celui qui avait été mis en place auparavant avec des réactions graduées. S’il devait y avoir une circulation plus importante du virus chez les enfants, nous serions en mesure de le démontrer ».
Seule évolution de la position du ministre de l’Éducation : le retour en présentiel de l’ensemble des élèves du secondaire après le 20 janvier. Ici, Jean-Michel Blanquer a expliqué dimanche 10 janvier qu’il serait retardé. Par contre pour les premières épreuves du baccalauréat en mars rien ne bouge. À ce stade, aucun plan B n’est posé sur la table au cas où les scénarios selon lesquels le variant Britannique ferait exploser le nombre de cas au tournant du mois de mars se confirmaient. Une impréparation de répétition : le 7 janvier, Jean-Michel Blanquer annonçait aux syndicats enseignants que le protocole sanitaire ne serait pas renforcé.
Des signaux inquiétants
Si le président du conseil scientifique Jean-François Delfraissy considère ce mercredi 13 janvier que les données anglaises ne sont pas assez claires pour fermer les écoles en France, il recommande cependant « une ouverture sous surveillance » qui tranche avec les propos rassurants de Jean-Michel Blanquer et les mesures prises jusque-là en milieu scolaire. Il préconise de « pouvoir dépister très vite les cas et identifier très vite s’il s’agit du variant anglais ou pas », puis de « prendre une décision très rapide de fermeture de classe, voire de collège ». Mais jusqu’à présent, la politique de test dans les établissements n’a pas fait la démonstration de son efficacité. Malgré un million d’unités disponibles au ministère, pour 12 millions d’élèves et un million d’enseignants, seuls 100 000 ont été utilisées depuis le mois de novembre explique Libération.
Les préconisations du conseil scientifique sont maintenant dans les mains du conseil de défense dont les conclusions seront rendues publiques lors d’un point presse jeudi soir par Jean Castex. Plusieurs pistes sont évoquées en off dans la presse, de la fermeture des cantines scolaires à la mise en place d’un nouveau protocole. Mais au regard de la constante préoccupation du gouvernement pour le maintien au travail des parents, rien n’est certain.
Pourtant, le taux de positivité des tests des enfants lissé sur 7 jours a fortement augmenté en ce début d’année. Il est maintenant de 10 % pour les 0 – 9 ans et de 8,5 % pour les jeunes de 10 à 19 ans. Bien supérieur à celui de l’ensemble de la population (6,4 %), selon les dernières données publiées par Santé publique France. Et rien n’indique que les enfants soient réellement moins contagieux que les adultes, même s’ils ne déclarent que très rarement des formes sévères de la maladie. Leur rôle dans la diffusion du virus, bien que peu retenu par l’exécutif, ne semble pas négligeable.
Selon un rapport québécois du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) publié mardi 12 janvier, l’augmentation des cas des 10-19 ans a précédé l’augmentation chez les adultes ayant entre 30 et 49 ans. « La réouverture des écoles aujourd’hui impliquera une augmentation des nouveaux cas qui réduira l’efficacité des autres mesures que le gouvernement a mises en place », avance Simona Bignami, une des chercheuses ayant participé à l’étude. Du coup, la question de l’ouverture ou de la fermeture des écoles prend une place importante dans la maîtrise de l’épidémie. C’est ce que tend à confirmer une étude suisse publiée lundi 11 janvier. Celle-ci considère que « la fermeture des écoles est une mesure qui permet de réduire la vitesse de circulation du virus par la réduction des déplacements ». Une réduction des déplacements qu’elle évalue à 21,6 % sur la période du printemps 2020 où les écoles ont été fermé pendant deux mois. En comparaison, la réduction liée à la fermeture des bars, restaurants et autres commerces non essentiels est de 22,3 %.
Des profs épuisés par leur ministre
Selon les décisions qui seront annoncées jeudi soir par le Premier ministre, les enseignants comme les élèves devront une fois de plus s’adapter. Mais aussi et surtout gérer les décalages entre les annonces du pouvoir et une intendance qui suit rarement. Pourtant, plus que la colère, ce qui semble dominer en cette rentrée est la lassitude. « Les collègues en ont marre de bosser en demi-groupes parce que c’est épuisant. Comme il n’y a pas eu de recrutement, les enseignants travaillent plus », explique Brendan Chabannes, cosecrétaire général de SUD Éducation. Ces demi-groupes étaient pourtant une de leur revendication au mois de novembre. Ils avaient même fait plier leur ministre si peu enclin à écouter les demandes des profs. Mais sans moyens supplémentaires, elle a perdu une partie de son intérêt.
Malgré la menace d’une troisième vague qui plane sur cette rentrée, « les gens ont envie de retrouver une vie normale ». Même son de cloche d’un instituteur également syndicaliste : « la troisième vague, on en parle à l’école, mais c’est surtout pour espérer qu’elle n’arrive pas ». Comme dans l’ensemble de la population, les enseignants craignent un nouveau confinement. « Une situation qui pourrait changer si les hôpitaux sont à nouveau saturés » explique Brendan Chabannes qui n’exclut pas une explosion sociale dans les établissements à ce moment-là. A ce titre, une journée nationale de grève, déjà prévue le 26 janvier, pourrait servir de réceptacle à une colère contre leur ministre qui n’a pas disparu chez bien des enseignants.
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