Ce jeudi 16 février, une nouvelle manifestation contre la réforme des retraites avait lieu. Si les vacances d’hiver ont occasionné un inévitable et prévisible creux dans la mobilisation, la rentrée scolaire pourrait être synonyme de rentrée sociale. Portraits croisés de manifestants.
Une fréquentation en baisse, mais qui ne confine pas non plus au ridicule, tel peut être le résumé de cette nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites, si l’on se contente d’en faire un bilan chiffré. Au niveau national, la CGT comptait 1,3 million de manifestants quand le ministère de l’Intérieur en annonçait 440 000. A Paris, la CGT revendique 300 000 manifestants, contre 37 000 pour la préfecture de police. Si la mobilisation est donc incontestablement en baisse par rapport aux précédentes dates, elle surpasse numériquement de nombreuses autres manifestations ayant eu lieu ces dernières années.
Mais pour beaucoup de manifestants, l’enjeu va au-delà de cette seule journée. Le 7 mars, pressenti comme le début d’une potentielle grève reconductible, pourrait être une date clef. Comment se préparent-ils à cette date ? S’attendent-ils à un mouvement puissant pour le début du mois de mars ? Entre Paris et Montpellier, portraits croisés de militants confrontés à la question d’enclencher une nouvelle phase de la bataille.
Gilles, enseignant : « si on pense qu’on va gagner, la grève est un investissement »
Pour Gilles, syndicaliste à SUD éducation à Montpellier, la date du 7 mars est déjà en ligne de mire. « C’est un point d’appui pour enchaîner avec le 8 mars, journée de luttes pour les droits des femmes, et continuer après ». D’autant que « nous sommes un secteur largement féminisé » rappelle l’instituteur. Reste à trouver comment passer d’une grève ce mardi 16 février qui « existe, avec des écoles fermées et grévistes, mais n’est pas une déferlante », à la France à l’arrêt le 7 mars prochain à laquelle appelle l’intersyndicale nationale, puis à la grève reconductible que Gilles estime incontournable pour faire reculer le pouvoir.
Pour réussir la prochaine séquence début mars, il mise sur l’organisation d’une assemblée générale qui réunisse de nombreux agents de l’Éducation nationale. « On a besoin de prendre confiance et de se rassurer. Pour cela, nous avons besoin d’une grosse assemblée générale qui permette de se compter et de voir que l’on est une force », assure le syndicaliste qui n’en est pas à son premier mouvement social sur les retraites. L’académie de Montpellier bascule dans les vacances d’hiver ce vendredi soir. Une assemblée générale est prévue après la manifestation du jour. Pour assurer sa réussite, Gilles, comme une trentaine d’autres enseignants se sont mis en grève reconductible deux jours la semaine précédente pour faire le tour des écoles et des collèges.
Car il en est persuadé : le nerf de la guerre n’est pas tant l’argent, que la confiance dans la victoire. « Faire des jours de grève en pensant qu’on va perdre, c’est de l’argent foutu en l’air. Au contraire, si on pense qu’on va gagner, la grève est un investissement », résume le syndicaliste.
José, cheminot, n’a plus rien à perdre
À 56 ans, José Garcia, syndiqué à Sud Rail, ne se voit pas travailler encore longtemps. Moins blagueur que son homonyme et surtout plus éreinté physiquement, il se désespère : « quand tu signes, on te fait une promesse qui n’est finalement pas tenue ». Sans cette réforme des retraites, il aurait pu commencer à envisager de prendre sa retraite à 58 ans. Ce sera finalement 62 ans.
Salarié au sein du technicentre de Châtillon, il est donc déterminé à se battre. En 3×8 depuis 30 ans, il souhaite désormais pouvoir reposer son corps et profiter d’un rythme de vie plus normal. « Ça va, je n’ai pas encore de petits enfants, mais ma vie familiale est quand même impactée. Et puis j’aimerais bien pouvoir prendre du temps pour faire de la peinture ou écrire ».
Pour l’instant, il a participé, comme beaucoup de ses collègues, à toutes les grèves depuis janvier. Régulièrement, il voit ses collègues syndicalistes tourner nuit et jour pour mobiliser en vue des grèves. Quand on l’interroge sur la réussite potentielle du 7 mars, il se montre confiant : « si ça bouge pas d’ici là, je pense que ça va être plus costaud, oui. La colère va s’agglomérer. On est prêt à aller jusqu’au blocage du technicentre ».
Isabelle, bibliothécaire : « c’est trop difficile de faire grève à chaque fois »
Bibliothécaire dans le 17e arrondissement de Paris, Isabelle Flet l’admet : il est compliqué de mobiliser dans son secteur. Élu FSU, elle a participé à toutes les grèves, presque par obligation morale. Mais ses collègues ne s’en sentent pas capables. « Le problème, c’est que comme beaucoup d’agents de la ville de Paris, on ne gagne pas beaucoup donc c’est trop difficile de faire grève à chaque fois ». Pour l’instant, c’est surtout la journée du samedi 11 février qui a rencontré du succès chez ses collègues. « On a vu des gens qui ne viennent d’habitude pas aux manifestations en semaine. »
Sans grande conviction, elle pronostique : « je pense qu’il y aura plus de monde les 7 et 8 mars ». Mais dans son secteur, une faible mobilisation peut produire de grands effets. « La bibliothèque a fermé plusieurs fois, même quand il n’y avait qu’une ou deux personnes sur sept qui ont fait grève. Les emplois du temps sont sur quatre jours et demi alors ça peut fermer avec peu de monde en grève », explique-t-elle.
Photo : Ricardo Parreira
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