Keolis

Un mois de grève à Keolis Montesson : « Les assignations, une stratégie pour casser le moral »


 

Après un mois de grève, les travailleurs et travailleuses du site de Keolis à Montesson (Yvelines) restent mobilisés, malgré les pressions de leur employeur.  Huit d’entre eux ont comparu jeudi 12 octobre au tribunal judiciaire de Versailles dans le cadre d’une assignation en justice déposée par leur employeur. Le délibéré doit être prononcé lundi, mais leur détermination reste forte.

 

Les drapeaux Solidaires flottent autour du tribunal judiciaire, tandis que les prises de paroles s’enchaînent pour apporter force et soutien aux grévistes de Keolis Montesson dans les Yvelines. Ils bloquent le dépôt depuis le 12 septembre pour demander le versement de leurs primes, supprimées par Keolis après le rachat de leur dépôt en 2022, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence du transport public en Île-de-France. Ils dénoncent aussi la dégradation de leurs conditions de travail.

 

Des assignations judiciaires pour casser la grève  

 

Après un mois de grèves et des négociations au point mort, leur employeur a répondu au mouvement par la force : huit grévistes sont assignés en justice ce jeudi pour le blocage du dépôt de Montesson. « C’est un coup de massue, lance Amine Trari, délégué syndical Sud, gréviste et lui-même assigné en justice. La direction nous envoie un message : si vous voulez faire grève, on va vous rentrer dedans et on va attendre que vous creviez, vous aurez tout intérêt à abandonner vous-même », résume-t-il avec colère.

La direction reproche aux grévistes le blocage du dépôt et les accuse d’intimidation envers les non-grévistes. Ils leur sont aussi reprochés des jets d’œufs contre des bus qui sortaient du dépôt. Dossier judiciaire sous le bras, Amine Trari nie toute intimidation envers les non-grévistes. Plusieurs d’entre eux ont même apporté leur soutien au mouvement.

 

Prise de parole des Keolis avant leur audience.

 

Entre détermination et inquiétude

 

Quelques minutes avant l’audience, Kamel Ben, la cinquantaine, foulera pour la première fois de sa vie le plancher d’un tribunal. Il ne cache pas son inquiétude : « Franchement, je suis triste d’en arriver là, triste pour mes enfants… À partir du moment où on passe devant un juge, on est inquiet, ce n’est pas de la rigolade », poursuit-il d’une voix calme.  Kamel est chauffeur de bus depuis cinq ans. Ce cinquantenaire, ambulancier pendant 17 ans, il a vécu la première grève de sa vie chez Keolis Montesson, au moment même où il apprend qu’il souffre de deux maladies graves, qui l’empêcheront bientôt de poursuivre son activité professionnelle. Psychologiquement à bout après plusieurs jours de grève, il est impliqué dans une altercation verbale avec le directeur du site début octobre. « J’ai pété un câble, je l’ai insulté, je regrette tout ce que j’ai pu dire, je regrette sincèrement », raconte-t-il. S’il est si inquiet, c’est que cette altercation a été ajoutée au dossier judiciaire.

Mais derrière Kamel et les sept autres grévistes convoqués au tribunal, s’est développé un puissant mouvement de solidarité. CGT Ratp, SUD Rail, Révolution permanente ainsi que plusieurs élus LFI ou Communistes se sont joint au rassemblement de soutien. « C’est déjà une victoire, se félicite Amine Trari. On ne se sent pas seul, quand on voit ça, tu te dis merde il y a des gens qui sont là pour nous aider et ça donne envie de continuer à se battre, c’est très encourageant ». Car après 25 jours de blocage, malgré l’enthousiasme apparent, la grève frappe là où ça fait mal : au compte en banque. « On a pas mal de collègues qui commencent à craquer, des mères de famille qui élèvent seules leurs enfants qui n’ont plus aucune thune, des factures qui tombent », signale le syndicaliste.  Une caisse de grève permet de distribuer quelque 200 euros aux grévistes ce mois-ci, une somme largement insuffisante pour subvenir à aux besoins de plus de 70 grévistes. Ils exigent par ailleurs le versement de leur salaire durant cette période de grève.

 

Un combat qui dépasse le dépôt de Montesson

 

Si les soutiens ont été importants ce jeudi, c’est que la situation de Keolis à Montesson pourrait servir d’exemple dans tous les dépôts impactés par l’ouverture à la concurrence. Mégaphone à la main, Anasse Kazib, cheminot membre de Révolution permanente et syndicaliste à Sud Rail est venu rappeler l’importance de ce combat pour l’ensemble du secteur des transports. « On est là pour vous dire de ne pas lâcher. Mais de la même manière, le patron de Keolis, il a le patron de Transdev, de la RATP, de la SNCF, qui lui disent de ne pas lâcher, parce que si les gars ils gagnent, demain, ça va taper dans d’autres dépôts. Si cette grève est une victoire, ça va donner envie à des travailleurs et des travailleuses d’aller se battre et de chercher des augmentations de salaire ».  Les réseaux de bus de moyenne et grande couronne sont soumis à l’ouverture à la concurrence et seront progressivement rachetés d’ici 2024. En 2025, c’est la RATP, qui gère les réseaux parisiens et de la petite couronne qui seront concernés. L’inquiétude est grande tant l’ouverture à la concurrence risque de diviser les collectifs de travail, rogner sur les salaires et aggraver les conditions de travail, comme en ont fait les frais les chauffeurs de Montesson.

Désormais, tous sont suspendus à la décision de justice qui doit être rendue lundi 16 octobre. Quoiqu’il en soit, Amine Trari reste combatif : « La grève va continuer, on n’a pas le choix », dit-il fermement.