Le Premier ministre et le ministre de la Santé ont ouvert lundi 25 mai les concertations du « Ségur de la santé ». Dans sept semaines, le gouvernement présentera le « plan massif » promis par Emmanuel Macron fin mars. Mais les premières pistes annoncées par Édouard Philippe ne répondent que partiellement aux demandes de moyens matériels et humains pour sauver l’hôpital.
Des augmentations, des lits, des postes ! C’est ce que réclamaient, en vain jusque là, les soignants en lutte depuis plus d’un an. Du fait de la crise du Covid-19, ils sont en passe d’obtenir enfin une revalorisation des carrières. Placées en tête de gondole des annonces gouvernementales depuis plusieurs jours, des augmentations de salaire « substantielles » ont été confirmées par Édouard Philippe et Olivier Véran lors de l’ouverture du Ségur de la santé. Elles concerneront les personnels hospitaliers comme ceux des Ehpad. Leurs montants seront discutés avec les organisations syndicales dans un sous-groupe du comité national piloté par Nicole Notat, dont la tâche sera de coordonner les discussions sur les cinq grands axes de travail fixés par l’exécutif.
« Avec notre mouvement, nous avons réussi à faire comprendre à la population qu’une augmentation de salaire était nécessaire pour une augmentation de la qualité des soins », affirme Hugo du collectif Inter-Urgence. Mais malgré ce satisfecit, les réponses aux questions du nombre de lits et des effectifs restent vagues. Aucune annonce forte n’a été formulée par Édouard Philippe sur ces points. Pour se convaincre du contraire, il faudrait interpréter avec une bonne dose d’optimisme le fait que le gouvernement dise vouloir une refonte des Copermo et une augmentation « significative » de l’Ondam dans les années à venir.
Les premiers, les comités interministériels de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers fixent les priorités d’investissements des hôpitaux et « rationalisent » l’offre de soin. En cela, ils sont des outils agissant sur l’offre de lits et de postes. À la baisse depuis des années. Le second, l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie n’est autre que le budget de la santé défini dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Son augmentation permettra l’augmentation promise des salaires, mais elle pourrait aussi augmenter le nombre de soignants si son montant était fortement réévalué. Pourtant, une telle rupture est peu probable. Outre que les effectifs n’ont pas été évoqués par le gouvernement, Édouard Philippe a expliqué hier qu’il ne s’agissait aucunement de « changer de cap, mais très certainement de changer de rythme » par rapport aux réformes précédentes.
Vieilles recettes et vieilles lunes ?
Au-delà d’un changement de ton et de quelques mesures vraiment nouvelles, Édouard Philippe a finalement recyclé une grande partie de celles prises par le gouvernement depuis son plan santé de 2018, et ses différentes tentatives de déminer la mobilisation des soignants depuis un an. Ainsi, il annonce « un vaste plan d’aide à l’investissement » venant compléter les 10 milliards de reprises de dette des hôpitaux déjà décidés l’an dernier, tout en précisant qu’une partie sera « dédiée aux investissements au niveau des territoires, pour accélérer les coopérations entre la ville, l’hôpital, le médico-social et entre le public et le privé ». Un mélange des genres privés et publics à hauts risques qui effectivement ne présente pas un changement de cap dans les politiques publiques.
Autre sujet sur la table, la « modernisation par le numérique » de l’hôpital, déjà présente dans les propositions d’un gouvernement très 2.0, et ce depuis deux ans. S’appuyant sur le développement de la télémédecine pendant le confinement, le Premier ministre a mis en avant son souhait de « mieux exploiter nos données » partagées par les hôpitaux pour créer un « écosystème », et de rendre prioritaire l’espace numérique de santé (ENS) prévu pour 2022. Enfin, l’exécutif à mis sur la table la question des 35 h à l’hôpital dans un axe appelé « agilité retrouvée » qui ne sonne pas très service public. Ici, le gouvernement dit vouloir permettre aux soignants qui le souhaitent de travailler plus en effectuant un contingent d’heures supplémentaires plus important. Une proposition quelque peu lunaire. Si aujourd’hui, une partie des soignants compensent leur faible rémunération et pallient au manque de personnel en augmentant leur durée de travail, au pris d’un épuisement professionnel, il est inquiétant qu’Édouard Philippe et Nicolas Véran leur proposent de travailler encore plus.
Cette proposition met quelque peu la puce à l’oreille sur les intentions de l’exécutif en matière d’embauche. Les soignants ne demandent pas à travailler plus. Ils réclament depuis un an du personnel supplémentaire et des augmentations de salaire pour prendre en charge correctement les patients.
Photo : Serge d’ignazio
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