Toutes les professions de l’hôpital sont descendues dans la rue aujourd’hui dans de nombreuses villes. À Paris, un cortège d’au moins 10 000 soignants a exigé des moyens pour la santé. À ce jour, malgré huit mois de lutte dans les services d’urgence, aucune mesure de nature à enrayer la crise hospitalière n’a été prise. Pire, le budget des hôpitaux pour 2020 ne compense même pas l’augmentation naturelle des dépenses.
Ce n’est pas la goutte d’essence qui a fait déborder le vase des gilets jaunes, mais l’agression de trop qui a mis le feu à l’hôpital. Celle qui a chauffé les braises du mal-être des personnels hospitaliers en déclenchant le mouvement social le plus important de ces dix dernières années dans la santé. Le 18 mars, 90 % des infirmières et aides-soignantes de l’hôpital Saint-Antoine à Paris se lancent dans une grève illimitée à la suite d’une série d’agressions. Soutenues par les syndicats CGT, SUD et FO elles réclament des mesures de sécurité, mais aussi plus de postes et une prime de 300 € pour rendre plus attractif les services d’urgence où le recrutement est difficile faute de budgets et de carrières attractives à mettre en face de conditions de travail très dégradées.
La grève fait tache d’huile avec les mêmes revendications. Un mois plus tard, 16 services de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sont en grève. Le mouvement sort ensuite de la capitale pour contaminer 119 services dans toute la France mi-juin, plus de 200 après l’été et 260 aujourd’hui. Porté pendant des mois par les personnels paramédicaux, le mouvement a été rejoint par d’autres professions à la rentrée, jusqu’à la journée de grève de ce 14 novembre qui consacre l’extension à tout l’hôpital de la contestation. La quasi totalité des syndicats des agents hospitaliers de la CGT à la CFTC, les collectifs Inter-Urgences, Inter-Hôpitaux, Inter-Blocs, les associations de médecins, les syndicats de corporation comme celui des infirmiers : ce coup-ci, tous ont répondu présent. Même les doyens d’université ont décidé d’une journée blanche incitant les étudiants à participer à la journée.
Des milliards ou rien !
Alors que tous demandent des moyens pour soigner en réclamant l’arrêt des fermetures de lit, le recrutement immédiat de professionnels et une revalorisation des salaires, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, en discussion aujourd’hui au Sénat prévoit un budget d’austérité. L’objectif national de dépense d’assurance maladie (ONDAM) au lieu d’augmenter d’au moins 4 % pour couvrir les dépenses naturelles de santé d’une année sur l’autre sera de 2,3 % pour l’ensemble des dépenses de santé, et 2,1 pour l’hôpital. Une provocation au moment où pour répondre à minima aux revendications des soignants l’ONDAM devrait dépasser nettement les 5 %.
Un plan pour l’hôpital est annoncé pour la fin du mois de novembre, un an après le grandiloquent plan « Ma santé 2022 ». Mais sans moyens significatifs supplémentaires, la crise que traverse le monde hospitalier restera un caillou dans la chaussure de l’exécutif. Jusqu’ici, les tentatives de saupoudrage gouvernemental n’ont convaincu personne. Ni les 70 millions d’euros mis sur la table avant l’été ni la rallonge de 750 millions en septembre n’y ont fait. La première a tout juste permis d’éviter un burn-out estival, alors que la seconde, prise sur des redéploiements de crédits sur trois ans n’a convaincu personne. Quand Paul et Pierre sont déjà en slip, habiller Pierre avec les vêtements de Paul devient compliqué.
Depuis des mois, nombre de services d’urgence réduisent leurs heures d’ouverture, ferme les week-ends ou la nuit faute de praticiens, montrant l’état de délabrement du système de soin public. Pour rétablir la situation, le collectif Inter-Urgences réclame depuis des mois l’embauche de 10 000 professionnels. Pas de doutes : ce coup-ci il faudra plus que des effets d’annonces ou des jeux d’écritures pour mettre fin à la mobilisation à l’hôpital. Sans quelques milliards d’euros, il sera vain pour le gouvernement d’espérer se débarrasser de ce conflit social avant le 5 décembre. Réponse à la fin du mois de novembre.
Faisons face ensemble !
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