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Ibiza, Bali ou Les Maldives ? Et toi où pars-tu avec ton chômage ?


 

Les déclarations en provenance du patronat, ou du gouvernement, sur les chômeurs profitant du système pour partir en vacances, entourent l’ouverture jeudi 12 octobre du cycle de discussions sur l’assurance-chômage. Elles laissent entrevoir un des enjeux de la réforme à venir : un contrôle accru des privés d’emploi.

 

« Ce n’est plus possible d’avoir un tel taux de chômage, et de voir des gens qui utilisent le système pour partir en vacances, faire le tour du monde plutôt que de chercher un emploi », a déclaré Pierre Gattaz, le patron du Medef à sa sortie de l’Élysée le 12 octobre. Ce jour-là, pour l’ouverture des discussions sur la réforme de l’assurance-chômage, de la formation et de l’apprentissage, le représentant patronal a réclamé plus de surveillance des chômeurs. Depuis, il a précisé ses idées sur la question en demandant un contrôle sur les recherches des chômeurs. « C’est un contrôle qui est important. Journalier, hebdomadaire ou mensuel c’est un truc qu’il faut débattre », a déclaré le patron des patrons.

Même argument dans la bouche de Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement. Quatre jours après Pierre Gattaz, il a affirmé sur BFMTV « La liberté, ce n’est pas de se dire que finalement je vais bénéficier des allocations chômage pour partir deux ans en vacances. » Un argumentaire commun du côté du patronat comme de l’État, en ouverture du deuxième chantier social de l’exécutif.

« Ces discours réalimentent l’image du chômeur fainéant et profiteur », explique Cécile Hautefeuille. La journaliste anime le blog Minisphère du chômage et est l’auteur du livre La machine infernale, racontez-moi Pôle Emploi. Pour elle, ces propos « sont insupportables pour tous les gens qui sont en détresse, parce qu’au chômage, et qui font tout pour en sortir ». Des tirades ne pouvant être le fruit du hasard à quelques jours d’intervalle. « J’ai rencontré des gens qui ont envoyé des milliers de CV, pour une dizaine de réponses négatives. », se rappelle la journaliste indépendante. « Ces personnes se sentent heurtées par ce genre de discours. Lier dans la même phrase allocation chômage et vacances, c’est scandaleux et humiliant pour les gens ».

 

Calomnier, calomnier, il en restera toujours quelque chose

 

Cette suspicion envers les chômeurs ouvre la voie à de probables nouvelles mesures de surveillance des privés d’emploi. Elle justifie par avance une augmentation des radiations. Le nombre de celles-ci atteint pourtant les 48800 entre juin et août 2017. La plupart, pour non-présentations à des rendez-vous souvent causés par des bugs de Pôle Emploi. Mais, dans le programme d’Emmanuel Macron l’extension des allocations chômage aux démissionnaires ou aux indépendants était assortie de contreparties : « Celui qui n’accepte pas une offre d’emploi raisonnable ne sera plus indemnisé. » Pour le moment, le gouvernement n’a pas annoncé ce qu’il considère comme une offre d’emploi raisonnable. Comme lors des discussions sur les ordonnances cet été, le pouvoir n’a pas l’intention de dévoiler son jeu pour le moment. Une méthode qui lui a plutôt réussi jusque là.

En tout cas, Pierre Gattaz et Christophe Castaner n’hésitent pas à tordre la réalité en laissant penser que les chômeurs profitent massivement du système pour se la couler douce en vacances à l’autre bout du monde. Pourtant, la réalité des chiffres officiels sur les demandeurs d’emploi est assez éloignée des fantasmes véhiculés par les deux dirigeants. Sur plus de 6 millions d’inscrits à Pôle emploi, seulement 3,4 millions ont des droits ouverts à l’allocation chômage. Par conséquent, 2,6 millions de chômeurs ne touchent pas d’allocation. Eux ne profitent de rien, et partent probablement peu en vacances. Pour les autres, la moitié d’entre eux travaillent au moins quelques heures dans le mois et touchent un complément de revenu de Pôle Emploi ou un report de leurs droits. De fait, ils ne sont pas en congés.

Sur les 3,4 millions de demandeurs d’emploi recevant une allocation, celle-ci n’excède pas 1048 euros brut par mois pour la moitié d’entre eux. Un revenu inférieur à 1292 euros brut pour 75 % des indemnisés, selon les chiffres de Pôle Emploi de mars 2016. Ramené au net, 2,5 millions de chômeurs perçoivent moins de 1000 euros par mois, et même beaucoup moins pour nombre d’entre eux. Avec de tels revenus, le rêve de vacances à Ibiza, Bali ou Les Maldives s’écroule. Peut-être peuvent-ils verser un acompte pour une location dans un camping de l’autre côté du périphérique au mois de novembre.

Autre chiffre tordant le cou aux idées reçues, véhiculées par le patronat et le gouvernement, sur les deux ans de « vacances » payés aux chômeurs : 70 % des sorties d’indemnisations ont eu lieu au cours des 12 premiers mois de chômage en 2015. Mais l’objectif de Pierre Gattaz et de Christophe Castaner n’est manifestement pas d’éclairer le débat