Semaine de 60 heures et congés imposés, les salariés vont subir la « guerre économique »


 

Alors que le conseil scientifique consulté par l’exécutif préconise la poursuite du confinement pour une durée de cinq semaines supplémentaires, le gouvernement a détaillé aujourd’hui les 25 premières ordonnances prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. De bien mauvaises nouvelles pour les salariés.

 

Le gouvernement l’assure : ce sont des mesures temporaires et exceptionnelles. Dans des « secteurs d’activités limités », dont la liste sera fournie par décret dans le courant de la journée, et pour le temps de l’état d’urgence sanitaire, soit deux mois pour le moment, le Code du travail sera modifié. « Assoupli », « aménagé », en langage gouvernemental. C’est ce qu’a annoncé Muriel Pénicaud à l’occasion de la conférence de presse qui a suivi le conseil des ministres du mercredi 25 mars.

Ainsi, les nouvelles ordonnances prises par le gouvernement concernant le travail dérogent à la règle fixant à 48 heures maximum la durée hebdomadaire de travail. Exceptionnellement, les salariés pourront effectuer jusqu’à 60 heures dans une même semaine. Un choix qui privilégie encore une fois les heures supplémentaires défiscalisées et n’ouvrant pas à des cotisations pour la sécurité sociale. Une formule dont sont friandes les entreprises, en lieu et place d’embauches.

Toujours pour la durée hebdomadaire de travail, elle pourra passer à 46 heures, au lieu de 44 aujourd’hui, pendant une période de douze semaines consécutives. Autre changement, le travail du dimanche sera rendu possible dans des secteurs où il ne l’était pas auparavant. Mais « sur la base du volontariat » a précisé la ministre du Travail. Un volontariat qui deviendra probablement un peu contraint dans les entreprises où le pouvoir du patron est difficile à contester.

 

Haro sur les congés

 

Muriel Pénicaud a également indiqué que les employeurs pourront fixer unilatéralement « une semaine de congés pour tout le monde au même moment ». Le même pouvoir est offert aux employeurs pour décider du moment où seront octroyés jusqu’à 10 jours de RTT ou de compte épargne temps. Seule limite à ce pouvoir : l’obligation « d’un accord collectif avec les syndicats ou les salariés au niveau de la branche ou de l’entreprise ». Une « garantie » plutôt faible, notamment dans les entreprises qui n’ont aucune présence syndicale. Avec cette mesure, le gouvernement limite de fait le nombre de congés que les salariés pourront prendre à l’issue du confinement. Pour une fois dans cette crise, il anticipe. Là : la possibilité que tout le monde soit au boulot cet été.

Des mesures qui passent mal pour les organisations syndicales qui réclament, toujours en vain, la fermeture des productions non essentielles pour réduire la propagation du coronavirus. Et même pour les secteurs stratégiques, ce choix du gouvernement reste incompris. « C’est une hérésie, parce que dans ces secteurs essentiels, on a besoin justement de ménager les salariés qui sont mobilisés. On risque d’ajouter au risque d’épidémie un risque de fatigue, d’épuisement par des temps de travail plus importants et des temps de repos réduits » a expliqué Yves Veyrier, le secrétaire général de Force ouvrière sur les ondes de RTL ce matin.

Tout ou partie de ces mesures seront-elles reconduites lorsque sera venu le temps de la « reconstruction » ? Nous ne pouvons évidemment l’affirmer. Cependant, l’expérience de l’État d’urgence contre le terrorisme qui après avoir été reconduit et reconduit, encore et encore, a vu une partie de ses dispositions d’exception entrer dans le droit commun n’est pas pour rassurer. Pas plus que les propos d’Édouard Philippe, expliquant au début de la conférence de presse prendre des ordonnances pour un « effort long ».