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Tarifs de l’électricité : non, Monsieur de Rugy, l’augmentation n’est pas due aux salariés d’EDF

 

Alors que les tarifs réglementés de l’électricité augmentent de 5,9 % ce 1er juin 2019, le ministre de la Transition Écologique rejette toute responsabilité du gouvernement et renvoie la faute sur les coûts de production d’EDF, le principal producteur d’électricité en France. Les salaires et les avantages des agents de l’ancienne entreprise publique sont pointés du doigt par François de Rugy.

 

Sur une échelle d’un à dix de l’argumentation malhonnête, François de Rugy a atteint un score de champion cette semaine. Interrogé mercredi 29 mai sur l’antenne d’Europe 1, le ministre de la Transition Écologique a d’abord contesté les dires du patron d’EDF qui suggérait de baisser les taxes sur l’électricité pour jouer sur l’évolution des prix. La totalité de celles-ci avoisine 55 % du montant de la facture des ménages. Bottant en touche sur une responsabilité de l’État, le ministre a préféré désigner un bouc émissaire bien pratique : les salariés de l’entreprise privatisée en 2004.

« Les coûts de production ont dérivé depuis des années pour des raisons bien connues. Les coûts salariaux d’EDF sont plus élevés que ceux des autres entreprises de l’énergie […] tous les ans la Cour des comptes dénonce le fait qu’à EDF il y a les salariés d’EDF qui payent 10 % du prix de l’électricité », a contre-attaqué François de Rugy. Une façon de détourner la colère des 6 millions de ménages vivant déjà en précarité énergétique, selon les données de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). Mais aussi celle des 423 235 supplémentaires qui pourraient les rejoindre avec une hausse de 10 % du prix de l’électricité, selon les projections de l’ONEP.

 

Une affirmation mensongère

 

Étonnamment, le ministre de la Transition Écologique est le seul des acteurs de ce dossier à considérer que les salariés d’EDF sont responsables de l’augmentation des coûts de production de l’électricité, et part là de celle des tarifs. Ni la direction de l’entreprise, ni les syndicats, ni les associations de consommateurs, ni même les autres opérateurs du marché de l’électricité ne partagent la pensée complexe de François de Rugy. « Le salaire moyen chez EDF est tout à fait dans les standards des grands groupes comparables », affirme l’entreprise productrice d’électricité. En tous les cas, celui-ci n’a pas augmenté de 5,9 % l’an dernier.

Même son de cloche du côté de la CFDT énergie d’Aquitaine qui accuse le ministre de « fake news » et de faire « clairement dans le populisme ». Le syndicat précise que la part des salaires dans les 70 milliards de chiffre d’affaires d’EDF n’excède pas 10 %, tout en rappelant certaines spécificités des emplois : « un niveau de compétences de haut niveau dans le nucléaire, les renouvelables, l’hydraulique et les réseaux ». Pour ce qui relève du « Tarif Agent », l’avantage en nature dont bénéficient les près de 120 000 salariés d’EDF, « c’est un élément de rémunération contractuel comme peuvent l’être un véhicule pour d’autres salariés », s’agace les cédétistes qui s’abstiennent cependant de citer les avantages en nature dont bénéficient le ministre.

« Le coût est autour de 290 millions par an, mais il n’a pas de rapport avec la hausse des tarifs », tranche la communication d’EDF qui explique que le Tarif Agent « participe au sentiment d’appartenance de nos salariés », dans une entreprise « qui produit de l’électricité partout en France, 24 h/24 et 7 j/7 ». Par ailleurs, ces tarifs avantageux existeraient dans près de 150 entreprises sous statut d’Industries électriques et gazières (IEG) en France. Difficile en tout cas de croire que la raison de l’augmentation de 5,9 % du tarif réglementé de l’électricité se trouve là : dans un dispositif existant chez EDF depuis 1946.

Une augmentation libre et non faussée ?

 

Mais alors pourquoi cette augmentation de 5,9 % au 1er juin 2019 ? À en croire EDF, « la hausse des tarifs s’explique d’abord par la forte hausse des prix des énergies depuis janvier 2018 en lien avec la conjoncture internationale ». La hausse du prix de l’énergie sur le marché de gros est aussi la raison invoquée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) à l’origine de la recommandation fin 2018 d’une forte augmentation. Repoussée de quelques mois pour cause de mouvement des gilets jaunes, elle implique également des recettes supplémentaires pour l’État qui taxe l’électricité à hauteur de 55 %.

Mais au-delà de la hausse mondiale des prix de l’énergie et de leur répercussion sur le calcul de celui de l’électricité, une autre raison gouverne à ce choix pour les associations de consommateurs comme pour la CGT. La hausse des tarifs réglementés « n’est pas destinée à couvrir l’augmentation des coûts de fourniture d’EDF, mais à aider les opérateurs alternatifs en grande difficultés financières à rester compétitifs » explique la CLCV. « Près de la moitié des 6 % de hausse servira ainsi à sauvegarder leur viabilité économique et ainsi à faire survivre la concurrence » assure l’association de consommateurs.

Un avis que partage la CGT qui conteste la « concurrence libre et non faussée » vantée par la Commission européenne et les fournisseurs alternatifs d’électricité. Dans ce dossier, elle y voit « la démonstration que la concurrence ne fait pas baisser les prix, bien au contraire et que sa logique est contraire à un développement des services publics de l’électricité ». Jugeant cette forte augmentation injuste pour les consommateurs, la CLCV et l’UFC-Que Chosir ont annoncé jeudi 31 mai qu’elles allaient saisir le Conseil d’État pour tenter de faire annuler l’augmentation de 5,9 %.

A la place, elles proposent au gouvernement de jouer sur le levier des taxes. Manifestement, elles n’ont pas été convaincues par l’argumentaire de François de Rugy qui désignait les salariés d’EDF comme responsables de la hausse. Parfois la malhonnêteté intellectuelle ne paie pas.