Des milliers d’emplois pourraient être supprimés dans les mois qui viennent dans les collectivités territoriales. Déjà, l’annonce de 500 suppressions de postes de contractuels au Conseil départemental de Haute-Garonne a mis près de 3000 personnes dans les rues de Toulouse la semaine dernière. Une première mobilisation contre un plan social qui en annonce d’autres.
Un budget peut en cacher un autre. Ou plutôt d’autres : ceux des régions, des départements et des municipalités, affectés par le projet de loi de finances (PLF) du gouvernement Barnier. Les débats budgétaires à l’Assemblée nationale ne sont pas clos : le gouvernement est sur la sellette, avec les deux motions de censure déposées par le Nouveau Front Populaire et le RN votées ce mercredi ou jeudi. Mais déjà, les collectivités ont dû esquisser leur propre budget, contraintes par les mesures jusqu’ici contenues dans le PLF.
Celui-ci prévoit en effet 5 milliards d’euros de coupes budgétaires pour les collectivités territoriales et un effort total de 10 à 11 milliards, selon les estimations de l’Association des maires de France. Pour ce qui est des 5 milliards d’euros de réductions budgétaires directes, 2,2 milliards concernent les seuls conseils départementaux.
Plusieurs de ces derniers ont déjà expliqué leurs difficultés à construire un budget à l’équilibre dans ces conditions. « Il y a deux ans, nous avions 14 départements en difficulté. En milieu d’année, il y en avait 30. En fin d’année, nous en serons à 60 », a expliqué François Sauvadet (UDI), président de l’association Départements de France, en ouverture du congrès des Assises des départements mi-novembre. Et même 80 départements sur 103 en fin d’année 2025. Les annonces et le déplacement du Premier ministre aux Assises n’ont pas suffi à éteindre l’incendie et partout, les mobilisations dans les collectivités se multiplient
Des milliers de suppressions d’emplois dans les départements ?
Premier département à annoncer la couleur : celui de Haute-Garonne. Fin novembre, les 7000 agents du département apprennent par mail que 500 postes vont être supprimés l’an prochain, afin de réaliser une économie de 160 millions d’euros pour boucler le budget. Une annonce précipitée et sans concertation dénoncent les syndicats du Conseil départemental. Au programme : non-remplacements de départs à la retraite, départs volontaires, et surtout, non-renouvellement de contractuels, « on ne sait pas dans quelles proportions », avoue Raphaël Croset de la CGT Conseil départemental de Haute-Garonne.
Quelques semaines plus tôt, le président socialiste de Haute-Garonne, Sébastien Vincini, concédait dans les colonnes de Ouest-France : « Ce que je fais s’apparente à un plan social ». Pour combler le trou béant de 500 postes en moins dans les services, le Conseil départemental souhaite modifier le temps de travail des agents restants.
La Haute-Garonne ne fait pas exception. Toujours en Occitanie, celui de l’Hérault s’apprête à faire de même. Dans une communication vidéo anxiogène, son directeur général des services (DGS), Pascal Perrissin, annonce aux agents que le vote du budget 2025 sera repoussé à la seconde quinzaine du mois de mars. L’objectif ? Connaître la finalisation du projet de loi de finances du gouvernement au Parlement. En attendant, « des décisions très difficiles sont prises et d’autres vont devoir l’être », assure le DGS qui annonce déjà une baisse des effectifs, sans en donner le nombre.
En plus de l’emploi, le département envisage de réduire ses aides et son activité. « Nos missions de services publics de proximité vont être impactées » s’inquiète Benjamin Karchen, co-secrétaire de la CGT du Conseil départemental. Le syndicaliste craint que deux à trois cents postes soient supprimés par le non-remplacement des départs et le non-renouvellement des contractuels, comme à Toulouse.
A ce jour, le Conseil départemental de Gironde, également en difficulté, n’a pas annoncé de baisse d’effectifs pour son budget 2025. En revanche, le 18 novembre, il votait un rectificatif de moins 17 millions sur son budget de 2024. Dans le détail : abandon de la construction de deux collèges et des budgets amoindris pour la pratique sportive, les associations, l’aide à l’enfance, l’insertion et les aides pour les plus précaires. Des difficultés à l’identique dans des dizaines de Conseils départementaux et qui devraient se traduire par des milliers de suppressions de poste, même si tous les départements n’ont pas encore annoncé la façon dont ils comptaient être à l’équilibre en 2025. Ils pourraient différer au mois de mars le bouclage de leur budget.
Toutes les collectivités territoriales concernées
Si les conseils départementaux payent le plus lourd tribut sur les coupes budgétaires des collectivités territoriales (44%), ils ne sont pas les seuls. Il manquerait 51 millions d’euros à la métropole de Marseille, 300 millions à la ville de Paris, 321 millions à la région Île-de-France, selon le magazine Challenges. Pour l’heure, la plupart n’ont pas communiqué sur la façon dont elles comptent produire un budget à l’équilibre en 2025. Mais le journal économique évoque une piste dont ces régions disposent : rogner sur les effectifs.
C’est d’ailleurs le choix fait par la région Pays de Loire, dirigée par Christelle Morançais (Horizons). Fin novembre, elle a annoncé la suppression de 100 postes d’agents du conseil régional, non remplacés, soit 10% des effectifs. Ici, contrairement à ses homologues des conseils départementaux de l’Hérault ou de Haute-Garonne, l’élue fait du zèle. Au lieu des 40 millions d’économies dues aux coupes de l’État, Christelle Morançais a annoncé 100 millions d’euros de réduction budgétaire.
En plus des 100 postes d’agents supprimés, le secteur culturel et associatif serait frappé de plein fouet par ces coupes. Les syndicats anticipent une baisse de 75% du budget de la culture. La CGT de Loire-Atlantique estime que 13 000 emplois du secteur seraient menacés en région Pays de Loire. Au-delà de la culture, les structures associatives du social et médico-social tirent la sonnette d’alarme, à l’instar du Planning familial : les subventions à sa Fédération régionale seront purement et simplement supprimées en 2025, si le budget de la région est validé tel quel le 19 décembre. Autant d’actions de préventions qui disparaîtront dans les quatre départements de la région : « un signal très alarmant envoyé à toutes les personnes qui subissent les violences sexistes et sexuelles et les discriminations de genre sur notre territoire », s’indigne dans un communiqué le Planning familial 44.
Fortes turbulences à venir dans la territoriale
Face à la brutalité des annonces en Haute-Garonne, les agents du conseil départemental ont répondu par la mobilisation. Fait totalement inédit, autour de 1500 d’entre eux se sont réunis en assemblée générale à l’appel des syndicats CGT, FO et SUD. « Une grève reconductible a été lancée dès le 14 novembre. Il y a eu des mouvements dans plusieurs endroits : parc technique, cantines, maisons de la santé… », complète Raphaël Croset de la CGT Conseil départemental 31. Le 26 novembre, 2000 à 3000 agents ont également manifesté dans les rues de Toulouse. D’autres actions sont prévues d’ici au 10 décembre, jour du vote du budget par les élus.
A Nantes aussi, les annonces violentes de la présidente de la région ont suscité des réactions. Quelque 3000 personnes ont manifesté dans les rues de la ville lundi 25 novembre, contre l’hémorragie dans le budget des lieux et projets culturels. « Pour certains, c’est moins 50 % l’an prochain et plus rien l’année suivante, pour d’autres, plus rien dès 2025. De nombreux travailleurs et travailleuses, déjà précaires, ne trouveront plus de travail du tout », a dénoncé Noémie Daunas, de la Synptac-CGT, auprès du Monde. Au Mans, une AG interprofessionnelle s’est tenue vendredi 29 novembre et a abouti à la création du collectif « Convergences 72 » pour unifier la mobilisation dans la Sarthe.
Les mobilisations des agents à Toulouse et des acteurs du monde de la culture et des associations à Nantes se prolongeront le jeudi 5 décembre, journée de grèves et de manifestations dans les trois versants de la fonction publique. Elles devraient même se poursuivre au-delà.
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