Bloque ton périph

À Montpellier, « Bloque ton périph » réclame un moratoire sur le Lien, un projet routier vieux de 35 ans


Durant tout le week-end, plusieurs centaines de personnes se sont mobilisées sur le tracé du Lien (Liaison intercantonale d’évitement nord) près de Montpellier à l’appel du collectif « Bloque ton périph » et de la coalition La Déroute des routes. Leur objectif : empêcher la reprise des travaux sur les 8 km de route restant à construire qui reliraient les autoroutes A9 et A75. Et qui ferait du Lien le marchepied d’une urbanisation galopante et de nouveaux projets commerciaux et industriels.

 

« Le Lien, c’est des hectares de nature et un plateau de diversité saccagés, des zones humides et des terres agricoles qui disparaissent, c’est des collines qui vont être dynamitées, des millions de mètres cubes de remblai. Mais surtout, c’est un projet qui en cache un autre », explique Anna, mégaphone à la main, au départ de la première manifestation du week-end, le samedi après-midi. La militante de SOS Oulala, collectif fondé en 2019 en opposition au Lien, assure que loin de réduire les embouteillages comme le prétend le Conseil départemental, « c’est une route industrielle et capitaliste qui va permettre la construction de 70 hectares de zone commerciale, de 20 hectares de studios et l’ouverture d’une carrière Lafarge ». Soit plus de camions, plus de trafic routier et plus de pollution.

Mais moins de garrigue et de biodiversité. Une aberration écologique pour les activistes de « Bloque ton périph », un collectif élargi crée il y a quelques mois, qui dénoncent « un projet d’un autre siècle » et en contradiction majeure avec l’objectif « Zéro artificialisation nette » des sols, contenu dans la loi Climat et résilience. Selon le maire de Grabels, le Lien « doublerait l’artificialisation des sols » sur sa commune. Mais aussi une aberration sociale qui éloigne, toujours plus, des pans entiers de la population des lieux de travail, de l’accès aux services publics ou à des logements abordables, à l’heure où déjà 13,3 millions de personnes subissent une précarité de mobilité.

 

« Nous sommes la garrigue qui se défend »

 

Empruntant au vocabulaire de la lutte contre les mégabassines (« Nous sommes l’eau qui se défend »), la première manifestation a été intitulée « Nous sommes la garrigue qui se défend ». Ce samedi après-midi, pour ouvrir le cortège qui quitte le camp de base, un char surplombé d’une mante religieuse symbolise cette garrigue qui se défend des bulldozers. Suivent le char, quelque 500 personnes d’horizon divers : un archipel militant local qui ne se rassemble pas si souvent (association, collectifs et ONG écologistes, syndicalistes, militants insoumis, du NPA, de l’UCL, de GES ou des réseaux autonomes), ainsi que des représentants de collectifs d’autres villes, membres de la Déroute des routes, venus pour l’occasion. Quelques élus municipaux sont également présents autour du Maire de Grabels, René Revol, opposé au Lien depuis son origine. De même que le député insoumis de la 4e circonscription de l’Hérault, Sébastien Rome.

La manifestation emprunte la route menant au village de Grabels, puis bifurquent direction une petite vallée, à côté de collines promises à la destruction dans les semaines à venir. Le tout, sous la surveillance permanente d’un hélicoptère de la gendarmerie. Une fois arrivée à destination, quatre ateliers sont proposés aux participants pour prendre soin de la garrigue et prendre conscience de sa biodiversité. Une partie des manifestants s’attellent, pelles en main, à élargir une marre pour les batraciens. D’autres construisent un mur en pierre sèche pour qu’y logent des lézards ou posent des glaïeuls douteux en carton, une des espèces protégées qui fait l’objet d’un recours devant les tribunaux, afin de mettre fin aux travaux. Enfin, quelques manifestants tirent des filins d’acier dans des arbres qui abritent des chauves-souris, pour rendre plus difficile leur abatage imminent. Une bonne centaine de personnes quitte alors la manifestation, déçue par le caractère, jugé pas assez bloquant, de l’action qui conclut la première manifestation.

 

Mensonges, greenwashing et bulldozers

 

Une action plus bloquante était prévue le dimanche, mais n’avait pas été annoncée en amont. Elle ne pourra pas aller à son terme, faute d’un nombre suffisant de participant. A l’inverse, le déploiement des forces de gendarmerie est significatif. Les activistes souhaitaient arrêter le trafic sur un axe routier important, situé à plusieurs kilomètres du camp de base et y déverser des dizaines de kilos de coquilles d’huîtres. L’objectif : ridiculiser une campagne de communication du Conseil départemental qui fait la promotion d’innovations telles que l’utilisation de bitume à base de coquille d’huîtres pour les routes. Et les présente comme des projets durables et écologiques. Un greenwashing qui agace profondément les activistes de « Bloque ton périph » pour qui il n’y a pas de route sans pollution et destruction du vivant.

 

 

Et en matière de petit arrangement avec la vérité, le Conseil départemental de l’Hérault, qui porte le projet du Lien depuis des dizaines d’années, n’en est pas à son coup d’essai. D’abord en promettant la fin des embouteillages avec la construction d’un nouvel axe routier, prenant ainsi le contre-pied de nombreuses études scientifiques qui tendent à montrer le contraire à travers le concept de « trafic induit ». Mais aussi en pronostiquant moins de pollution, alors qu’il est difficile d’imaginer que le raccordement des autoroutes A9 et A750 ne développe pas le trafic routier sur ce nouvel axe. Enfin, en se parant d’une légitimité qu’il n’a pas pour réaliser le Lien. Une consultation réalisée par ses soins en 2014 a été proposée aux habitants des villages concernés. Mais entre mi-juillet et mi-août. Par la suite, ce fut une tentative de bidonnage des résultats d’une consultation réalisée par la préfecture de l’Hérault en 2022. Pour finir sur un désaveu : 80 % des répondants se sont prononcés contre le Lien.

Autant de raisons qui, à l’unisson de 55 projets routiers contestés par la Déroute des routes, conduisent la coalition et « Bloque ton périph » à réclamer d’urgence un moratoire sur le lien. Comme sur tous les autres projets.

 

Photos : Ricardo Pareirra