Le 6 septembre, un nouveau supermarché coopératif a ouvert ses portes à Montpellier. Les clients-coopérateurs en sont propriétaires et mettent la main à la pâte. La Cagette devient ainsi le troisième du genre, sur une vingtaine de projets, à voir le jour en France. Le signe d’un renouveau de l’esprit coopératif dans la consommation ?
Pas d’inauguration flamboyante ni de conférence de presse pour la première journée d’ouverture du supermarché La Cagette de Montpellier. Pourtant, un événement pour les coopérateurs, un premier aboutissement.
Tout commence l’été 2015, avec la création de l’association « Les amis de La Cagette » autour d’un petit noyau actif. Leur projet : « permettre à chacun d’améliorer son alimentation selon ses besoins et ses moyens », en créant un nouveau type de supermarché appartenant à ses clients. En filigrane, la volonté de favoriser une agriculture pérenne, respectueuse des hommes et de la nature. Cette aventure s’inspire de la Louve à Paris, elle-même une copie de Park Slop Food Coop. Dans le quartier de Brooklyn à New York, ce supermarché fonctionne depuis 1973 et compte 16 000 coopérateurs.
Depuis le lancement de La Cagette, l’idée d’un supermarché autogéré a trouvé un large écho. Près d’un millier de personnes ont rejoint l’association et une première épicerie a ouvert début 2017. Six mois plus tard, l’opportunité tant attendue se présente : un Spar en liquidation judiciaire. L’association se transforme alors en entreprise coopérative, récolte 72 000 € en parts sociales auprès de ses adhérents et présente sa candidature comme repreneur. Banco ! Le tribunal de commerce retient l’offre de La Cagette.
Top départ
Trois heures avant l’ouverture de leur nouveau supermarché, situé à deux pas du cœur de ville, une dizaine de coopérateurs s’affairent aux derniers préparatifs. Comme à La Louve dans le 18e arrondissement de Paris, ils se considèrent en phase de test, et refusent de communiquer. « On a refusé TF1 qui voulait venir faire un reportage », annonce un coopérateur pour bien souligner leur choix.
Une façon pour eux de gérer leur croissance et de conserver la philosophie du projet. Pour faire ses courses dans ce supermarché, il faut être membre de la coopérative, moyennant l’achat de 10 parts sociales à 10 €. Une adhésion passant obligatoirement par la participation à une réunion d’accueil où sont formalisés les objectifs et le fonctionnement de la structure. À la Cagette, pas de consommateur, mais des citoyens coopérateurs ! Cela implique la participation de tous aux décisions selon le principe : une personne une voix. Et ce, quel que soit le nombre de parts sociales détenues. En plus, une contribution en temps de trois heures par mois pour le fonctionnement du lieu est demandée à chacun.
Débordés par les tâches liées au lancement du supermarché et par l’afflux de demande de participation aux réunions d’accueil, les coopérateurs craignent de ne pouvoir tout gérer. Tout est encore à construire, alors que plus de deux cents personnes se sont inscrites aux réunions d’information au mois de septembre. Souhaitant une implication réelle des coopérateurs pour répondre à leur volonté autogestionnaire affichée, ils désirent prendre le temps de la construction. Pas à pas.
Et un et deux et vingt supermarchés
Est-ce un profond besoin de maîtriser sa vie — au moins sa façon de consommer — ou un simple effet de mode ? L’avenir nous le dira. Mais pour le moment, ce modèle coopératif a le vent en poupe, et amène un peu d’air frais dans une période de morosité sociale offrant peu d’espace au rêve et à l’utopie.
La Louve et ses 5400 coopérateurs, dont le supermarché est en phase de test depuis novembre 2016, ont fait des petits. SuperQuinquin a ouvert 300 m2 de surface au mois d’avril, à Lille dans un quartier populaire, en attendant un espace plus grand pour 2020. La coopérative compte déjà 600 membres. Scopéli à Nantes espère ouvrir son supermarché en fin d’année pour 2500 coopérateurs. Une vingtaine d’autres villes sont sur les rails pour des ouvertures en 2018 ou 2019. Parmi les plus importantes, Demain à Lyon, La Chouette à Toulouse ou Supercoop à Bordeaux. À chaque fois, plusieurs centaines de personnes sont prêtes à tenter l’expérience.
Le boom de ce modèle de supermarchés donne un coup de fraîcheur aux coopératives de consommateur. Ici, contrairement à Bioccop ou à Système U, l’entreprise n’est pas à but lucratif, les clients sont membres de la coopérative et décident.
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.