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Montagne de profits pour les grands patrons


 

Les grands patrons américains gagnent 347 fois plus que leurs salariés, selon une étude du syndicat AFL-CIO publiée mardi 9 mai. Un ordre de grandeur supérieur à l’écart français ou britannique pourtant élevé. Une situation qui devrait rester inchangée au regard des dispositions prises par les gouvernements.

 

Je travaille, tu travailles, ils profitent. C’est ce qui ressort d’une étude publiée par le premier syndicat des États-Unis, l’AFL-CIO. Avec des revenus 347 fois supérieurs à ceux de leurs salariés non-cadres en 2016, les patrons des entreprises cotées au S&P 500 ne connaissent pas la crise. Ils captent à leur profit une part considérable de la richesse produite. La moyenne de leurs revenus en 2016 est de 13,1 millions de dollars. A eux tous ils cumulent un total de 6,55 milliards. En augmentation de plus de 5 %. La moyenne pour les salariés est de 37 600 dollars annuels. Elle stagne depuis 50 ans, selon le syndicat qui prend en compte l’inflation.

L’étude dénonce les pratiques des entreprises permettant ces profits exorbitants. Elle pointe les fermetures de site, sur le sol américain, suivies de délocalisations pour réduire la rétribution du travail. Les bénéfices « offshores » échappant à l’impôt sur les sociétés sont également ciblés. Ces profits réalisés et stockés à l’étranger représenteraient 2 600 milliards de dollars. Pour ces profits « offshores », trois entreprises sortent du lot. Ainsi, Apple, Microsoft et les laboratoires Pfizer détiendraient à eux seuls 550 milliards de ces profits.

Mais, les écarts astronomiques de revenus ne sont pas l’apanage des États-Unis. En Grande-Bretagne, l’écart de rémunération est de 1 pour 140. Il dépasse les 1 pour 200 au Canada, se situe autour d’un pour 150 en Suisse et en Allemagne et frôle les 1 pour 130 en Espagne. Malgré les lamentations du patronat français sur la lourdeur des charges et les rigidités du Code du travail, les grands patrons français ne s’en sortent pas trop mal. Leurs revenus moyens s’élèvent à 5 millions d’euros pour l’année 2015, en hausse de 18 %, selon le cabinet de conseil Proxinverst. Ainsi, l’écart de rémunération est de 1 pour 104 en faveur des dirigeants du CAC40.

Le ratio entre les revenus des grands patrons et leurs salariés s’est envolé au cours des 40 dernières années. « Il y a trente ans, le facteur multiplicatif entre le salaire moyen d’une entreprise et le salaire le plus élevé était de 20 » regrettait même en 2000, Peter Drucker, le « pape du management » aux États-Unis. Un envol dû à l’essor d’instruments de rémunérations extra-salariaux comme les bonus, les primes, les actions ou les retraites chapeau. Le salaire fixe ne représentant que 21,4 % de la rémunération en 2015, d’après Proxinvest.

 

Des politiques accommodantes

 

Une situation qui choque une majorité de la population, frappée elle par la crise. A défaut de réglementer la rémunération des grands patrons, la loi Sapin II de décembre 2016 donne la possibilité aux actionnaires de limiter, par un vote lors de l’assemblée générale annuelle, le montant des revenus des dirigeants. Une mesure particulièrement timide. Dans les pays où elle est appliquée, les sommes astronomiques accordées aux dirigeants ne sont limitées que lorsque les résultats de l’entreprise sont dans le rouge. Le reste du temps, actionnaires et dirigeants partagent la même vision d’avenir et les mêmes intérêts.

Même timidité vis-à-vis des entreprises pratiquant l’optimisation fiscale pour payer moins d’impôts sur les sociétés. Même lorsqu’elles sont connues de l’administration. Une disposition visant à informer les citoyens, en rendant publique le nom des entreprise utilisant ces pratiques, a été cassée par le Conseil d’État. La tolérance zéro n’est pas de mise pour les fraudes massives à l’impôt. Les gouvernements procèdent tout en douceur en France, comme de l’autre côté de l’Atlantique.

L’administration Trump propose, dans le cadre de sa réforme fiscale, une amnistie pour les entreprises rapatriant sur le sol américain leurs bénéfices « offshores ». Cela en échange d’une taxe bien inférieure au taux d’imposition fédéral sur les bénéfices fixé à 35 %. Une proposition de régularisation peu contraignante pour ces fraudeurs à grande échelle. En attendant la baisse promise par Donald Trump du taux d’imposition. Il pourrait tomber à 15 % au lieu de 35 % actuellement. Dur, dur d’être un grand patron.