#NousToutes

#NousToutes : Une marée violette contre les violences sexuelles et sexistes 

 

À la veille du 25 novembre, la journée mondiale contre les violences faites aux femmes, des dizaines de milliers de personnes — principalement des femmes — ont brandi pancartes violettes et enfilé écharpes et bonnets mauves pour participer à une cinquantaine de marches à travers la France, répondant à l’appel d’un collectif citoyen, #NousToutes, qui conviait à un « raz-de-marée féministe ».


« Nous sommes dans un pays qui protège ses citoyens, mais pas ses citoyennes ! » s’exclame Sonia Jossifort, chargée de projets chez Femmes & Cinéma et participante à la marche de Paris. Elle renchérit : « Je serais même pour dire que si ça continue comme ça, que les femmes arrêtent de payer des impôts. » Pour Lucile, monteuse vidéo de 27 ans, il est important de marcher « parce que ma sœur a été maltraitée par un homme, parce que moi aussi j’ai été agressée sexuellement, parce que je suis une femme tout simplement. »

Toutes les femmes interrogées avaient subi des violences sexistes ou sexuelles. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. En 2016, cela représentait 123 femmes. Un an après #MeToo, la marche organisée en protestation à ces violences a rassemblé 30 000 manifestants à Paris et 50 000 sur l’ensemble du territoire, selon les organisateurs.

Les pancartes distribuées par #NousToutes disaient un « Ras-le-viol » et rappelaient que : « une femme n’est jamais responsable des violences qu’elle subit. Jamais. » D’autres clamaient : « Arrêtez de nous harceler et faites-nous des sandwichs », « Les fachos, les machos, ras le clito » ou encore « Girls just wanna have… fundamental human rights, » en référence à la chanson culte de Cyndi Lauper.
 

Marcher ensemble

 
Si une marche a été choisie plutôt qu’une manifestation, une grève ou encore des blocages, c’était dans l’objectif de rassembler et d’entourer les victimes symboliquement. « Les violences isolent, et la marche, elle, va rassembler. On ne veut plus qu’aucune femme victime de violences se sente seule, » explique une des organisatrices, Marion, dans une vidéo pour le Huffington Post. Mathilde Larrere, historienne et féministe, notait également la connotation syndicaliste du terme « manifestation », alors qu’il s’agit « de revendications de femmes, et pas en tant que travailleuses. »

Au-delà d’un ras-le-bol collectif, quelles sont les revendications concrètes de cette marche ? Si les pancartes en désignaient peu, Caroline de Haas, militante féministe, a accueilli les manifestantes sur la Place de la République en s’adressant directement à Emmanuel Macron. De Haas a demandé au président de la République de mettre les moyens nécessaires pour une éducation à la non-violence dès le plus jeune âge, pour une vaste campagne de prévention, et pour la formation des professionnels — policiers, gendarmes, magistrats, médecins ou travailleurs sociaux — afin de mieux détecter les violences et orienter les victimes. Elle a également appelé à la multiplication des places d’hébergement et de réinsertion, « pour qu’aucune femme ne soit renvoyée chez elle, après avoir fui le domicile, parce qu’il n’y a pas de place. »

Lors d’un discours à l’Élysée l’année dernière, Emmanuel Macron avait décrété l’égalité femmes-hommes « grande cause du quinquennat ». Pour Sonia Jossifort, « c’est de la communication. Il faut que cela s’accompagne d’un budget conséquent, sinon ce sont des paroles en l’air. » Elle rappelle la situation des associations qui accueillent les femmes victimes de violences : « Il n’y a plus assez de permanences téléphoniques ou d’accueil d’urgence pour les femmes qui sont souvent précaires. Elles doivent fermer. »
 

#NousAussi

 
Aux côtés de #NousToutes, une cinquantaine d’associations se sont regroupées sous le mot d’ordre #NousAussi. Parmi elles : l’association de femmes musulmanes Lallab, l’association de féministes lesbiennes, bies et trans FièrEs et l’association Handi-Queer. Le mot d’ordre #NousAussi explique vouloir faire « entendre les voix de celles pour qui les violences sexistes et sexuelles sont une expérience inséparable du racisme, du validisme, de la précarité, qui définissent nos quotidiens. » Pour Astou, femme noire et voilée, et adhérente de l’association Lallab : « Il y a deux mouvements (NousToutes et NousAussi), mais on est des féministes solidaires et on appelle à la sororité, on se dit que toutes les femmes devraient s’entre-aider. »

S’il y a eu des remous du côté de #NousToutes en apprenant l’intention des gilets jaunes de manifester également le 24 novembre, finalement cela n’a pas perturbé les marches contre les violences sexuelles et sexistes. Sonia Jossifort, à Paris, analyse : « ce sont des personnes en extrême fragilité économique. Je comprends et j’ai de l’empathie avec ces gens qui sont à bout. Tout le monde fait sa manifestation et il n’y a pas de heurts, le problème n’est pas là. » À Montpellier, les personnes participant à la marche contre les violences faites aux femmes ont été accueillies par des applaudissements de la part de gilets jaunes.

Le 8 mars dernier, journée des droits des femmes, elles étaient 1500 à manifester à Paris. Bien loin des 5 millions en Espagne à la même date, mais également bien moins que les 50 000 de ce samedi. Est-ce la preuve que la thématique interpelle de plus en plus de personnes et que l’égalité femmes-hommes avance ? Pour le dire, il faudra observer si cet élan se maintient sur le long terme ou s’il s’estompera, rangeant les violences sexuelles et sexistes derrière d’autres priorités.