La procureur de la République n’a réclamé aucune peine contre Fabien, un militant anarchiste ayant refusé le prélèvement de son ADN en novembre dernier. La décision a été mise en délibéré par le tribunal correctionnel de Saint-Gaudens en Haute-Garonne. Jugement le 15 mars.
« Il n’y a aucune raison de me ficher. Je n’ai pas d’antécédent judiciaire, et il n’y a pas de risque de récidive », argumente Fabien avant son procès. Arrêté, menotté et placé en garde à vue alors qu’il tenait une table d’information sur les compteurs Linky à Saint-Gaudens au mois de novembre, il a découvert ce jour-là que le parquet de Toulouse avait ordonné la prise de son ADN. La raison : sa condamnation à un mois de prison avec sursis pendant les manifestations contre la loi travail en 2016 où il avait, selon ses soutiens, entravé l’arrestation musclée d’un sans-abri. Pour Fabien, en dehors de le « fliquer » pour son activité militante ou de la volonté de l’État de ficher toute la population, il n’y a pas de justification à la prise de son ADN. D’où son refus, pour lequel il est poursuivi aujourd’hui.
Jeudi 1er mars, à l’appel de son comité de soutien, ils sont une petite centaine à se rassembler devant le tribunal pendant l’audience. « Nous refusons d’être fichés à vie pour nos idées et pour nos luttes », affirment ensemble la CGT-Comminges, Attac, Solidaires-Comminges et le groupe Nosotros de l’Organisation anarchiste. Une pétition regroupe également les signatures de militants associatifs, de syndicalistes et de personnalités politiques ayant été confrontés aux poursuites pour refus de prélèvement ADN ou à la criminalisation du mouvement social. S’y côtoient des Faucheurs volontaires, Charles Hoareau de la CGT des Bouches-du-Rhône, le porte-parole de Droits devant Jean-Claude Amara, ou encore Olivier Besancenot du NPA ou Annick Coupé d’Attac.
« Fichez-nous la paix »
« La procureur a laissé au juge le soin d’apprécier », annonce Fabien à la sortie de l’audience, accompagné d’une quinzaine de ses soutiens. Une attitude du ministère public pas si fréquente pour un délit encourant une peine maximale d’un an d’emprisonnement et 75 000 € d’amende. Optimiste, il espère que le tribunal suivra les demandes de son avocat et prononcera sa relaxe le 15 mars prochain. Une relaxe que le militant libertaire souhaite mettre à profit pour encourager « un combat collectif allant au-delà des personnes incriminées ». Celui contre le fichage ADN, avec en ligne de mire la constitution d’un collectif autour d’autres cas de refus de prélèvement dans la région. Dans ce coin du Sud-Ouest, une militante des Faucheurs volontaires est poursuivie à Foix et des zadistes le sont à Toulouse.
En tout cas, ils peuvent s’appuyer sur une décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme en juin 2017 qui a condamné la France au titre de l’article 8, relatif à la vie privée. Saisie par un agriculteur condamné à donner son ADN après une manifestation, la haute juridiction a considéré que cela représentait une « atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée ». Une telle atteinte ne pouvant « passer pour nécessaire dans une société démocratique ». En France, le Ficher national des empreintes génétiques (FNAEG) existe depuis 1998. Créé pour ficher les délinquants sexuels, il concerne aujourd’hui l’essentiel des crimes et délits. Les fiches pouvant être conservées au moins 25 ans et même 40 ans en cas de condamnation.
Ainsi, le nombre de prélèvements a explosé. De quelques milliers au début des années 2000, ils sont passés à 2,5 millions en septembre 2013 d’après le dernier chiffre communiqué publiquement par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Sur ceux-ci, seulement 430 298 concernent des personnes condamnées. Les 1,9 million restant ont été majoritairement prélevés dans le cadre de gardes à vue, puis conservés dans le fichier de police. Même lorsqu’aucune poursuite n’a été engagée.