Trois mois après leur avoir fixé un préavis au 1er février 2021, pour quitter les lieux au profit de services de police, le maire de Béziers se ravise d’expulser les syndicats de salariés de la Bourse du travail en centre-ville. Ces derniers l’ont appris mercredi matin par un courrier mettant fin à leur préavis.
Le « Grand remplacement » n’aura pas lieu à Béziers. En tout cas, pas cette fois-ci. Dans un courrier daté du 30 septembre reçu ce mercredi, les syndicats hébergés à la Bourse du travail, située dans le cœur de la ville, voient leur « préavis de départ » annulé par Robert Ménard. La raison invoquée : « nous avons approfondi la congruence entre la configuration du bâtiment de la Bourse du travail et le projet d’intérêt général envisagé. Il ressort de ces premières études que les locaux et la capacité de stationnement sont en l’état, inadaptés pour concrétiser notre projet à court terme ».
L’expulsion des syndicats du centre-ville pour y placer des policiers municipaux était-elle un coup de comm ? Un ballon d’essai pour tester la résistance syndicale ? Les licenciements de masse en cette rentrée ont-ils eu raison d’une mesure paraissant d’un coup symboliquement hasardeuse ? Difficile à dire. La seule chose qui soit certaine, c’est que ce dossier a été étrangement géré par le premier édile de la ville.
Démarche incongrue cherche congruence
Le 6 juillet, dans une lettre recommandée avec accusé de réception, Robert Ménard demande aux unions locales CGT, FO, CFDT, UNSA, CFTC, CGC et Solidaires, de « quitter les lieux le 1er février 2021 ». Non sans avoir préalablement rappelé tous les éléments du cadre réglementaire dans lequel s’inscrit cette demande. Toutes les cases évitant un recours juridique sont cochées. La tentative d’expulsion des syndicats d’une des plus vieilles Bourse du travail de France commence, alors que Robert Ménard vient d’être réélu pour un second mandat, dès le premier tour des municipales. L’occasion pour lui de pousser son avantage. En 2016, le nouveau maire avait déjà dénoncé la mise à disposition gratuite des locaux de la Bourse du travail par un bail courant jusqu’en 2037. Et obtenu la signature d’une nouvelle convention l’année suivante.
En cet été 2020, la messe paraissait dite. Les sept organisations syndicales avaient bien écrit ensemble au maire le 28 juillet, mais le rapport de force ne leur semblait pas très favorable. Si elles exprimaient alors le souhait de rester dans les lieux, elles signifiaient plus fermement encore leur volonté de rester ensemble dans des locaux d’une surface équivalente. Pour être rapidement fixés, les syndicats demandaient alors la réunion du comité de gestion de la Bourse du travail, « comme le prévoit l’article 9 de la convention », écrivaient-ils. Une demande qui n’a jamais été satisfaite, même si une réunion avec une contrôleuse de gestion chargée du dossier par le maire a eu lieu en août. Sans apporter plus d’éléments par ailleurs.
Mais après l’été, les désidératas du maire de Béziers deviennent plus confus. Interrogé sur Radio France bleue le 28 septembre il assure même que sa décision n’est pas prise, contrairement à ce qu’il avait écrit noir sur blanc le 6 juillet dans son courrier aux syndicats. « C’est un beau bâtiment qui a besoin d’être remis en état. Est-ce qu’il faut le laisser aux syndicats ? C’est une question. On les a interrogés, on a discuté avec eux, on a attendu d’avoir leur réaction, et je n’ai pas pris encore ma décision », avance Robert Ménard à la radio. Alors, qui croire ? Robert Ménard ou Robert Ménard ?
À ce moment-là, l’inquiétude est vive du côté des unions locales des syndicats de la ville. « Le maire veut nous faire perdre du temps. Je crains qu’en janvier il nous fasse une proposition qui ne nous aille pas du tout, avec une superficie en deçà de ce que l’on a aujourd’hui et des syndicats éclatés dans toute la ville. Puis qu’ensuite il nous dise « je vous ai aidé à chercher, vous n’êtes pas content, mais voilà » », expliquait Catherine Brusq de la CGT au lendemain des déclarations du maire. Pour elle, le risque c’est que disparaisse un lieu identifié par les salariés des petites entreprises qui n’ont pas de syndicat sur leur lieu de travail. « Nous sommes le lieu où viennent les gens qui sont désespérés », affirme la syndicaliste. Du coup, en cette rentrée particulièrement tendue sur le front de l’emploi, l’intersyndicale a lancé une pétition qui a récolté près de 1500 signatures en 15 jours. Un premier pas pour enclencher la résistance aux volontés de la municipalité d’extrême droite.
Rétropédalage dans la choucroute !
« Il n’y a pas de contradiction entre ce courrier [la lettre du 6 juillet – NDLR] et ce qu’a dit Robert Ménard lundi matin [le 28 septembre à la radio] », tentait d’expliquer contre toute évidence Arthur Bachès, le nouveau directeur de cabinet du maire, joint au téléphone le jeudi 1er octobre. Parlant de souhait, en lieu et place de décision, ce proche de Robert Ménard invoquait des études en cours, avant toute décision. Études dont il affirmait d’ailleurs ne pas connaître les résultats à cette date. Pourtant, le courrier du maire au mois de juillet expliquait que « des travaux de réaménagement des locaux devront être réalisés en amont et ces derniers ne seront plus en mesure de vous accueillir ». Une formule qui se prêtait alors peu au conditionnel.
Enfin, le directeur de cabinet nous indiquait, toujours le 1er octobre, qu’un courrier allait être envoyé à l’intersyndicale à qui il réservait la primeur du contenu de la missive municipale. Une lettre que nous avons pu lire depuis, signée par Robert Ménard le 30 septembre, et qui justifie de la suspension du préavis par des locaux et des capacités de stationnement « inadaptés pour concrétiser notre projet à court terme ». Soit la veille, alors que les études ne semblaient pas être connues du directeur de cabinet.
Finalement, cela ressemble bien à une reculade. Un coup d’épée dans l’eau pour la mairie de Béziers qui semble cependant avoir de la suite dans les idées vis-à-vis de la présence des syndicats au centre-ville. Il n’est donc pas certain que l’épisode reste clos.
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