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Pouvoir des mots et mots du pouvoir pour réformer le Code du travail


 

Le candidat Macron l’a annoncé pendant la campagne électorale, il veut « libérer le travail ». Au mois de mai, son gouvernement a amorcé sa réforme du Code du travail au pas de charge. Pourtant, le flou semble volontairement entretenu. En attendant l’annonce de mesures concrètes et d’un calendrier définitif, séquence électorale oblige, l’exécutif impose déjà son vocabulaire pour maîtriser et orienter les débats.

 

Orwell, sort de ce discours ! En novlangue, la réforme du Code du travail, version 2017, se traduit par « libérer le travail ». S’agit-il de réduire massivement le temps de travail, de s’attaquer aux tâches les plus pénibles ou de supprimer le lien de subordination inclus dans les contrats de travail ? Non, évidemment. À défaut de libérer les travailleurs, la formule déjà présente dans le programme d’Emmanuel Macron a d’autres ambitions. Celles de libérer les entreprises du maximum de contraintes vis-à-vis de leurs salariés.

Ce premier volet de mesures « libératrices » porte sur la modification du Code du travail, en attendant la réforme de l’assurance chômage, des retraites et de la formation professionnelle. Au menu, le controversé plafonnement des indemnités prud’homales pour les licenciements abusifs. Retiré l’an dernier de la loi travail, il fixe un montant maximum de pénalité qu’un juge des prud’hommes ne pourra dépasser. Réclamé de longue date par le Medef, ce dispositif permettrait selon Édouard Philippe de « lever la peur d’embaucher » des entreprises. Une façon de présenter les choses, pas si éloignée du classique « la liberté c’est l’esclavage » de l’auteur de 1984. Ainsi, les actes délictueux d’employeurs peu scrupuleux au regard de la loi deviennent dans la bouche du locataire de Matignon, des carcans écrasant la liberté d’entreprendre. Un joli tour de passe-passe, et déjà un signal donné. Celui d’une tolérance zéro qui ne s’appliquera pas à tous les domaines.

Cependant, le gouvernement aura besoin d’une solide communication pour présenter sous un jour favorable les autres mesures envisagées. Celle qui permet d’étendre aux salaires, les accords d’entreprises donnant des garanties inférieures aux accords de branches et à la loi, risque d’être particulièrement impopulaire. Celle de donner la possibilité aux employeurs de lancer un référendum sur leur seule initiative pour contourner les refus des représentants des salariés devrait faire grincer plus d’une dent. La transformation du mot flexibilité pour caractériser ces situations, en flexisécurité ou en agilité risque de ne pas suffire à convaincre. Trop de novlangue tuera peut-être la novlangue.

 

Déminer toute opposition

 

Le rythme et la communication sont réglés au millimètre pour déminer les résistances et les oppositions catégoriques. Les mots du pouvoir sont éclairants à ce titre. « Il est donc important qu’on puisse se donner les moyens d’aller vite sur ces questions-là, les Français ne peuvent pas attendre », selon Christophe Castaner, interrogé par France 2. Pour le porte-parole du gouvernement, « Les Français ont élu Emmanuel Macron avec la volonté de libérer le travail. Donnons-nous les moyens du dialogue, jamais du blocage ». En invoquant une supposée attente des Français et éludant le vote de barrage à l’extrême droite, il affirme en creux que toute opposition est illégitime. Le gouvernement procédera donc par ordonnance pendant l’été. Par la même, il fixe les marges de manœuvre des organisations syndicales.

Le ton est donné : « Il faut accepter ce dialogue, mais il faut aussi que les syndicats entendent la nécessité de faire bouger les lignes » poursuit Christophe Castaner. Le dialogue social et des discussions dont les termes sont fixés par l’exécutif vaudront probablement approbation pour ce dernier. D’autant qu’« une fois que la discussion aura eu lieu, il faudra aller vite ». Le mot négociation n’est jamais utilisé. Par contre, la menace pointe déjà. « On n’a pas le droit de bloquer la France quand on n’est pas d’accord avec telle ou telle mesure, surtout quand elle était au cœur du projet présidentiel d’Emmanuel Macron ». Un message de fermeté de la part de Big Gouvernement ?