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Passe sanitaire : associations, syndicats et partis de gauche débattent d’une initiative en septembre

 

Les manifestants contre le passe sanitaire sont-ils réductibles à l’activisme de Florian Philippot, François Asselineau ou Nicolas Dupont-Aignan ? Non bien sûr. Est-il possible pour autant de nier l’importance de la présence des extrêmes droites comme des mouvements antivaccins et complotistes dans ces mobilisations ? Non plus. Alors, des associations, syndicats et partis de gauche cherchent un chemin pour agir contre le passe sanitaire et la politique du gouvernement.

 

« En mai, dans le monde enseignant, il y avait une revendication forte : demander à être vacciné en priorité. C’était plutôt de ce côté-là que se menaient les batailles », rappelle Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. Mais depuis, la « méthode extrêmement autoritaire » d’Emmanuel Macron pour étendre le passe sanitaire a mis son organisation en grande difficulté. Et ce dans une période où les structures militantes fonctionnent au ralenti, permettant difficilement de trancher des questions aussi clivantes que celles posées par l’annonce brutale du chef de l’État le 12 juillet. D’autant que le premier syndicat enseignant réclame depuis le début de l’épidémie des moyens pour une réelle politique publique de santé.

Comme pour la plupart des autres forces sociales habituées à descendre dans la rue, le succès et la tonalité souvent antivaccin des manifestations initiées le 14 juillet contre le passe sanitaire a « interrogé, percuté et même perturbé » la FSU. Ainsi, mercredi 25 août, pendant l’Université des mouvements sociaux qui se déroulait du mardi 24 au samedi 28 août à Nantes, Benoît Teste participait au nom de son syndicat à une première réunion en vue de prendre une initiative à la rentrée. Entre midi et deux, des représentants d’associations (Attac, LDH), de syndicats (Solidaires, FSU) et d’organisations politiques (France Insoumise, Génération.s) ont eu un premier échange non décisionnel, faute de réunions de leurs instances respectives. Et donc de mandats sur le sujet.

Une première prise de contact faisant suite à la proposition envoyée la semaine précédente par l’Union syndicale Solidaires incitant à « s’exprimer et construire des initiatives pour ne pas abandonner ce terrain de lutte à l’extrême droite » et trouver « la façon d’inscrire la critique contre le passe sanitaire dans les luttes pour nos libertés engagées depuis l’automne (loi sécurité globale, loi séparatisme, manifestations du 12 juin contre l’extrême droite) ». Le tout, « en faisant le lien avec les mobilisations sociales, écologistes, féministes et antiracistes à venir ». Une sorte de prolongement, en cette rentrée, de la tribune parue dans Libération le 22 juillet et de la pétition « Pour une politique sociale et de santé, juste et démocratique » qui a réuni à ce jour 62 000 signatures.

 

Clarifier les positions

 

Être opposé au passe sanitaire – contre lequel la CGT, la FSU et Solidaires ont intenté une action devant le Conseil Constitutionnel cet été sur les questions liées au travail – ne fait pas vraiment débat parmi les organisations qui doivent se rencontrer de nouveau jeudi 2 septembre après avoir tenu des réunions en interne lundi et mardi. Pour elles, « le Pass n’est absolument pas la bonne réponse. C’est une attaque contre les droits sociaux et le droit du travail à travers la possibilité de suspendre les salaires. Plus généralement, c’est une réponse qui passe par le contrôle généralisé de la population, la répression plutôt que la prévention et des moyens de santé », résume Aurélie Trouvé.

« Pour autant, nous pensons qu’une vaccination large et massive est nécessaire », explique la porte-parole d’Attac, tout en concédant qu’au sein de comités locaux de l’association des points de vue divergents ont pu s’exprimer. Simon Duteil, co-délégué de Solidaires, syndicat qui a appelé à une vaccination massive et à la levée des brevets, enfonce le clou : « les plus riches, la bourgeoisie, ils sont vaccinés ! C’est dans les quartiers les plus populaires qu’il faut faire le travail », tout en disant « comprendre pourquoi il y a de la défiance par rapport à ce qu’a fait l’État » depuis 18 mois. Et en condamnant un « passe antisocial » qui discrimine les catégories sociales les plus populaires.

Le rejet de l’extrême droite est aussi partagé par des organisations qui s’étaient retrouvées ensemble dans les manifestations du 12 juin contre cette dernière et pour les libertés. Reste à démêler comment intervenir dans des mobilisations où celle-ci est largement présente depuis sept semaines et où une partie des manifestants affichent un antisémitisme décomplexé autour de théories du complot. Une ligne rouge vif pour la CGT, comme pour Solidaires qui souhaite « remettre des digues en place » et publiait, dès le 20 juillet, une note interne pour ses syndicats ne recommandant d’investir les manifestations que lorsque celles-ci ne présentaient aucune ambiguïté avec l’extrême droite, le racisme et l’antisémitisme. Avec comme préconisation : les dégager ou construire ailleurs et avec d’autres. Une note diversement suivie selon les localités.

 

Manifester le samedi ou en semaine ? Avant le 5 octobre ou pas ?

 

Les différentes organisations ayant participé aux manifestations du 12 juin devraient sans trop de difficultés se mettre d’accord sur le fond de ce qu’elles souhaitent défendre en s’appuyant sur la tribune signée le 22 juillet. Mais la réunion de jeudi prochain butera sur le type d’initiative commune qu’elles pourraient lancer. « On ne veut pas organiser quelque chose qui ressemblerait à des contre manifs. Il ne faut pas prendre les gens de haut et leur dire qu’ils n’ont rien compris » tâtonne Benoît Teste de la FSU pour qui la non-participation de son syndicat aux manifestations de l’été ne signifie pas « que les préoccupations ne sont pas légitimes ». D’autant que chacun a « conscience qu’il y a un mouvement fort », explique Aurélie Trouvé d’Attac qui s’interroge entre « mobiliser un samedi sur nos propres mots d’ordre ou plutôt en semaine sur une journée de grève en lien avec les questions sociales ».

 

 

Une date a été évoquée parmi les scénarios envisagés : celle du samedi 18 septembre. Elle permettrait de se démarquer du samedi 4 septembre, largement préempté par Philippot qui appelle ce jour-là à une grande manifestation nationale à Paris. Mais les manifestations du samedi n’enchantent pas forcément les syndicats, plus à l’aise dans l’exercice de journées de grève dans la semaine. C’est le cas de la FSU qui a déjà annoncé une journée de grève dans l’Éducation le 23 septembre, soit cinq jours après le 18 septembre, si la date était retenue.

De plus comme la CGT et Solidaires, la FSU est engagée dans la construction, initiée avant le discours d’Emmanuel Macron, d’une journée interprofessionnelle de grèves et de manifestations le 5 octobre sur les questions sociales. C’est l’une des raisons qui rend aussi la CGT frileuse à propos d’une mobilisation intercalée un samedi, alors qu’une réunion intersyndicale avec Force Ouvrière et la CFE-CGC (qui généralement préfèrent rester dans un cadre sans interférences politiques) a lieu ce lundi soir.

Pour la CGT, le 5 octobre est le moment de mettre sur la table les questions sociales, notamment autour des 32 heures et du refus des licenciements. Or, elle craint de ne pas réussir une démonstration de force un samedi au mois de septembre face à une extrême droite conquérante. Et ce, à la veille de l’ouverture de la campagne pour les élections présidentielles.

Comme la FSU, la CGT serait plus encline à injecter dans les mobilisations sociales de rentrée la question du passe sanitaire et des discriminations qu’il entraîne, ainsi que la revendication de la levée des brevets pour laquelle elle milite depuis des mois. Mais rien n’est totalement figé. Pour la plupart des organisations, ce sont les réunions internes de ce début de semaine qui fixeront les possibles et les impossibles.

Cependant, une chose est sûre : le passe sanitaire va s’appliquer pour près de 2 millions de salariés avant la fin du mois de septembre et la réforme de l’assurance chômage est promise par l’exécutif pour le 1er octobre. De quoi complexifier encore l’équation et le calendrier des mobilisations de la rentrée.