Vingt-six jours après sa nomination comme Premier ministre, Michel Barnier a dévoilé son cap politique, ce mardi 1er octobre à l’Assemblée nationale. La question du déficit public a été la première mise sur la table, mais sans jamais prononcer le mot austérité. Elle sera pourtant bien au programme du nouveau gouvernement.
« La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale – 3 228 milliards d’euros
– qui, si l’on n’y prend garde, placera notre pays au bord du précipice », a attaqué Michel Barnier devant les députés, à l’occasion de son discours de politique générale. Pour enfoncer le clou, le Premier ministre a expliqué que « nos dépenses publiques atteignent 57 % de la richesse nationale, contre 49 % dans le reste de l’Europe. Elles ont augmenté de plus de 300 milliards d’euros depuis 2019. » Puis pour marquer l’opinion, il a affirmé que « cela représente 5 000 euros de dépenses publiques en plus chaque année par Français, quel que soit son âge. » Enfin, pour 2024, il a annoncé que le déficit public serait supérieur à 6 %.
Après ce sombre diagnostic que l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait laissé sous le tapis, préoccupé prioritairement par la poursuite des baisses d’impôts des entreprises – et par voie de conséquence des recettes de l’État – Michel Barnier est passé aux mesures. Aux « remèdes », selon ses mots. Pour 2025, il fixe comme objectif à son gouvernement 5 % de déficit public.
30 Mds de trou que Michel Barnier comblera surtout par moins de dépenses
Michel Barnier semble aimer les chiffres et en a largement agrémenté son discours. Mais il s’est bien gardé de donner celui des milliards d’économies qu’il mettra en œuvre pour 2025. De la même façon, il n’a pas été très loquace à propos des mesures d’austérité qu’il mettra en œuvre dans les mois à venir. Pourtant, elles seront bien présentes. « Le premier remède à la dette, c’est la réduction des dépenses », a déclaré le Premier ministre dans l’hémicycle. Puis il s’est risqué aux mêmes provocations qu’Emmanuel Macron en déclarant « réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique, à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de tout subventionner. » Tout un programme !
La réduction du déficit public de 6 % à 5 % du PIB l’an prochain n’a pas l’air si importante. Pourtant, plus d’un point de PIB (la richesse produite dans l’année) équivaudra à près de 30 milliards, dans la mesure où le PIB en 2023 s’élevait à 2805,7 milliards d’euros. Or Michel Barnier a assuré que les deux tiers de cette réduction seront réalisés par une baisse des dépenses. Soit environ 20 milliards d’euros d’économies, qui viendront s’ajouter aux 10 milliards d’annulation de crédits déjà réalisés par décret le 22 février dernier.
Ces annulations avaient concernés quasiment tous les secteurs : écologie, développement et mobilité durables (moins 2 milliards), travail et emploi (moins 1 milliard), recherche et enseignement supérieur (moins 904 millions), éducation (moins 691 millions), etc. Cette fois-ci, la cure d’austérité sera deux fois supérieure. Les conséquences également.
Certes cette fois-ci les profits des grandes entreprises (150 milliards en 2023 pour le CAC40) et les contribuables les plus fortunés seront mis à contribution pour dégager des recettes supplémentaires, tant la situation budgétaire est tendue. Mais de façon temporaire, sans que le Premier ministre ait précisé si ce sera uniquement en 2025. Or Michel Barnier a également avancé que l’objectif de descendre en dessous de 3% de déficit en 2029 était maintenu. Soit plus de 90 milliards à trouver en tout, principalement en réduisant les dépenses.
Mise à jour mercredi 2 octobre : Le gouvernement a annoncé ce matin que finalement l’État allait réaliser 60 milliards de réduction du déficit budgétaire, dont 40 milliards par des baisses de dépenses. Deux fois plus qu’attendu.
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