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Grève chez DHL : derrière les fantasmes, ce qu’ont obtenu les grévistes

Les grèves dans la logistique à l’approche de Noël suscitent un certain nombre de fantasmes. Pourtant, les mouvements puissants et bloquants sont plutôt rares. Du 8 au 13 décembre, une grève très suivie a mis en difficulté l’entreprise de livraison DHL. Si le début de la grève a été largement médiatisé, peu de gens savent ce que les grévistes ont réellement obtenu.

Les méchants grévistes de la logistique iront-ils jusqu’à prendre en otage le père Noël ? A l’approche des fêtes de fin d’année, cette question, souvent posée sur un mode catastrophiste, en prenant uniquement en compte l’intérêt des consommateurs, a fini par devenir un marronnier.

Pour preuve : en décembre 2023, deux syndicats du groupe de livraison Fedex Express, la CFDT et le SNSG, menacent leur direction d’un appel à la grève illimité. Les conditions de travail ne sont plus tenables, les cadences de plus en plus élevées et l’inflation, non compensée par la hausse des salaires, ronge le pouvoir d’achat. Rapidement, la machine médiatique s’emballe : les cadeaux de Noël seront-ils sous le sapin ? Mais les titres trop hâtifs oublient un paramètre : le manque de structuration syndicale du secteur de la logistique.

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Car, si la logistique est un rouage essentiel du capitalisme mondialisé, et apparaît aujourd’hui comme l’une des cibles privilégiées de la lutte sociale, les grèves y sont toutefois rares et difficiles à organiser (voir notre article). Aussi, à l’hiver 2023, malgré le battage médiatique, la grève chez Fedex Express n’a pas lieu.

En ce mois de décembre 2024, c’est au tour de la branche française de la multinationale du transport de colis et de courrier DHL d’être mise sous les feux des projecteurs. Mais cette fois, la grève de Noël est suivie par les salariés. « Le conflit avait débuté avant Noël. La direction nous annonçait un nouveau calcul de l’intéressement, en ajoutant un objectif de réduction de l’absentéisme général. Cela revenait à enlever l’intéressement à tous les salariés du groupe et nous n’étions pas d’accord », résume Mohamed Benakouche, délégué syndical central CFDT à DHL Express (2e syndicat derrière FO). Les bonnes années, le syndicat estime que la prime d’intéressement rapporte entre 2200€ à 2500€. Une première date de grève est donc posée le 15 octobre. « Cela n’a pas donné grand chose. La direction nous a seulement accordé une prime de 300€, pour compenser la perte », poursuit le syndicaliste.

Alors, le 8 décembre, le mouvement durcit avec un départ en grève reconductible sur plusieurs sites à l’appel de tous les syndicats (CFDT, CFE-CGC- FO et CGT). Objectif : obtenir une prime de substitution qui comblera la perte de l’intéressement. « Le mouvement a été particulièrement suivi. Plus d’une cinquantaine de sites ont été concernés avec des mouvements plus forts dans la manutention aérienne, à Marignan, Lyon Saint-Exupéry et Roissy Charles-de-Gaulle. Dans un groupe qui compte 3000 salariés, on a dénombré jusqu’à 500 grévistes au plus fort du mouvement. En 33 ans de boîte, je n’avais jamais vu ça », assure Mohamed Benakouche.

Rapidement, les colis s’entassent dans les entrepôts. « La direction a multiplié les maladresses et les marques de mépris. Ils ont par exemple considéré qu’avancer d’une semaine le versement de notre 13eme mois était une mesure de nature à désamorcer la grève. A ce moment-là les salariés se sont dits qu’ils étaient vraiment pris pour des imbéciles », détaille le cédétiste. « La grève était terrible. Environ 80% des colis n’étaient pas collectés et pas livrés à temps », ajoute Alain Rochefeld, délégué syndical central CFE-CGC au sein de DHL Express.

Alors que le mouvement de grève chez DHL se prolonge, les médias télévisuels viennent faire des images des cartons qui s’emplient. La direction est sommée de rassurer le grand public et annonce dans un communiqué que des managers ont été « mobilisés [pendant la grève] afin de limiter l’impact pour les clients ». « Tous les colis qui devaient être livrés pour Noël », assure au Figaro Fatah Ziani, directeur des opérations DHL Express France. Corollaire : la direction doit lâcher du lest.

Ainsi, le 13 décembre, un accord de fin conflit est trouvé avec les quatre syndicats. Les salariés de DHL obtiennent 1000€ de prime supplémentaire. Ils s’ajoutent aux 300 précédemment obtenus. La direction leur assure également que les négociations annuelles obligatoires (NAO) de janvier commenceront à 2,2% d’augmentation salariale. « On pense que l’intéressement aurait pu être entre 1400 et 1500 euros cette année. Donc on trouve qu’on ne s’en sort pas trop mal », calcule Mohamed Benakouche. Le syndicat estime surtout avoir beaucoup appris lors du mouvement. « On sait désormais comment atteindre la direction. Ils jouent sur le pourrissement donc nous pouvons faire des actions plus chirurgicales », conclut Mohamed Benakouche.

Crédit photo : CC Allmat