Depuis le 25 octobre, les factrices et facteurs du bureau de distribution de Sarlat en Dordogne ont cessé le travail. Ils exigent le départ de trois cadres dont le management est jugé responsable du passage à l’acte de leur collègue la veille. Au dixième jour de conflit, la direction de La Poste refuse toujours d’accéder à leur demande et réclame une reprise du travail.
« Un dispositif d’écoute a été mis en place », annonce la direction régionale Nouvelle-Aquitaine de La Poste qui appelle « au respect de la douleur des proches » et réclame la plus grande prudence et retenue sur les causes du drame, moins de 24 heures après le suicide de Paula, une factrice de 44 ans exerçant à Sarlat. Un message auquel ses collègues de travail ont réagi par un droit de retrait qui dure maintenant depuis 10 jours. Paula, en arrêt de travail depuis plusieurs mois pour dépression, a mis fin à ses jours le 24 octobre à son domicile. Selon ses collègues, elle s’était plainte du harcèlement de sa direction. Un harcèlement qu’elle dénonçait encore dans des SMS à destination de plusieurs agents, le matin même de son passage à l’acte. Ce jour-là, elle attendait chez elle un contrôle médical diligenté par son employeur.
Toujours le 24 octobre, dans le bureau voisin de Siorac-en-Périgord, dirigé par le même chef d’établissement que celui de Sarlat, une scène digne du Far West se déroule. Des mots sont échangés entre Christophe, un facteur, et son responsable production avant le départ en tournée. La tension est forte dans ce bureau qui vient de souffrir une réorganisation. Une fois sa tournée effectuée, le facteur est convoqué dans le bureau de la direction pour se voir signifier une mise à pied. Se disant fatigué, l’agent refuse et rentre chez lui, renvoyant au lendemain la procédure disciplinaire. Là, selon des témoignages de facteurs, deux encadrants l’auraient sorti manu militari de son véhicule, plaqué au sol et ramené dans l’établissement. Une version contestée par La Poste, mais faisant l’objet d’une plainte déposée par le facteur.
Droit de retrait de longue haleine
Au petit matin du 25 octobre, les factrices et facteurs des bureaux de Sarlat et Siorac-en-Périgord exercent leur droit de retrait et réclament le départ définitif des trois encadrants de leur établissement. Le harcèlement qu’ils dénoncent est confirmé au journal Sud Ouest par la CGT Fapt qui évoque de nombreux dossiers disciplinaires et plusieurs procédures. Un premier CHSCT extraordinaire le vendredi 26 octobre est suspendu au bout de deux heures de réunion faute d’accord entre les parties. Aux demandes de mises à pied des cadres de l’établissement, la direction ne propose qu’un éloignement temporaire d’une semaine. Inacceptable pour les représentants du personnel qui réclament la présence de l’inspection du travail.
Un second CHSCT se tient le lundi sans guère plus d’avancées. La direction se retranche derrière une absence de preuves, selon elle, de la responsabilité de ses cadres dans le suicide de Paula. Pour seule proposition complémentaire, elle s’engage à ce que les trois encadrants mis en cause poursuivent une formation en management. « Un cadre a été mis en arrêt une semaine, un autre un mois, et le troisième est toujours au travail », indique Laurent Simon de Sud-PTT Dordogne. Une attitude qui le révolte mais ne le surprend pas. Selon lui, La Poste cherche systématiquement à se dédouaner de sa responsabilité dans ce type d’affaires. Alors que la direction du courrier tergiverse, le fils de la factrice décédée dépose une plainte pour harcèlement moral à la gendarmerie. Elle vise La Poste et un cadre de l’entreprise. Les agents des bureaux de Sarlat et de Siorac-en-Périgord en sont eux à leur cinquième jour d’exercice du droit de retrait.
Une situation toujours bloquée
Depuis, la situation n’a pas vraiment évolué. La direction campe sur sa position en refusant de désavouer ses cadres. La venue à Sarlat du directeur courrier Aquitaine Nord mardi 30 octobre n’y change rien. Sourd à la colère des factrices et facteurs, il appelle en vain à une reprise du travail, argumentant sur la nécessité de mettre en œuvre les dispositifs d’accompagnement prévus par La Poste. Le lendemain, un nouveau directeur d’établissement par intérim prend ses fonctions pendant que le président du conseil départemental de Dordogne rend visite aux agents restés à l’extérieur du centre courrier. « Il appartient à La Poste d’apporter des réponses claires », a plaidé l’élu socialiste, à propos du management.
Un message qui n’a pas été entendu par la direction de La Poste, malgré l’absence de distribution du courrier depuis le 25 octobre. Une nouvelle réunion entre les syndicats et la direction, vendredi 2 novembre, donne les mêmes résultats que les précédentes. C’est à dire, aucun. « Ils nous ont juste proposé quelques aménagements, notamment des heures supplémentaires pour purger le surplus de courrier, mais sur le fond de nos revendications, à savoir le départ des encadrants, rien ! », explique une factrice à l’issue de la rencontre. Pour les agents, pas question de reprendre le travail sans un désaveu des cadres qu’ils jugent responsables de la mort de leur collègue.
Cela fait maintenant dix jours que La Poste tergiverse. Pour ne pas désavouer un management agressif, elle fait le dos rond, malgré deux plaintes déposées à son encontre et l’absence de distribution du courrier depuis dix jours. Et ce n’est probablement pas fini. La fédération Sud-PTT promet dans un communiqué en date du 1er novembre d’alerter l’opinion en présentant plusieurs cas de « management mortifère » comme elle l’avait fait en 2016. Elle cible d’ores et déjà Eric Clavaud, le responsable de la branche courrier dans la région Auvergne–Rhône-Alpes, auquel le syndicat reproche des agissements violents et provocateurs réitérés à l’encontre d’agents en souffrance.
À Sarlat, les facteurs ne comptent pas arrêter leur mouvement. Ils se rassembleront lundi 5 novembre à 17 h devant la sous-préfecture avec le soutien d’élus et de citoyens, ouvrant ainsi une nouvelle semaine de bras de fer. À moins que le déni de la direction prenne fin lors de la prochaine réunion avec les représentants du personnel programmée lundi matin.
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.