Rassemblement national Marine Le Pen

Rassemblement national : prendre aux pauvres pour donner aux riches, plutôt que l’inverse !

Taxer les très riches ? Aider les plus démunis ? Leur permettre d’accéder à des soins ? Tout cela n’intéresse pas les 120 députés du Rassemblement national à l’Assemblée. En témoignent les votes du groupe d’extrême droite depuis un an.

Cet article d’Emma Bougerol a été initialement publié sur Basta!

Le vote du budget, en octobre 2024, a révélé les priorités du Rassemblement national quant à la fiscalité. Le parti, qui se présente comme défenseur des classes populaires, se montre, dans l’ambiance feutrée de l’Assemblée nationale, très généreux avec les riches.

S’agissant de taxer les plus fortunés, le parti s’est opposé à la hausse de la progressivité de l’impôt sur le revenu (qui ferait augmenter les impôts des plus aisés), à la suppression de l’abattement fiscal sur les dividendes comme au rétablissement de l’impôt sur la fortune. Et, lorsqu’il est question de pérenniser dans le temps la contribution sur les plus hauts revenus, un impôt supplémentaire avec un taux minimal d’imposition de 20 % pour les plus fortunés (qui gagnent plus de 250 000 euros par an, soit les 0,1% les plus riches), le RN s’abstient.

En revanche, le Rassemblement national a choisi de voter pour la suppression de l’avantage fiscal des intermittents du spectacle (proposée par Éric Ciotti). Pourtant, ces travailleurs ont un « revenu net moyen […] de 1875 euros mensuels, soit 800 de moins que le salaire net moyen », rappelle en séance Emmanuel Maurel, élu de Gauche républicaine et socialiste (GDR).

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« Quand il s’agit en général de s’en prendre aux plus précaires, ils le font, souligne auprès de Basta! la députée Marianne Maximi, membre de la commission des finances. Ils sont sur la même ligne que le gouvernement au niveau libéral – pour faire en sorte que les collectivités aient moins de moyens de fonctionner ; sur les baisses de budget… Ils reprennent l’austérité à leur compte. »

Quelques jours après la clôture des débats sur le budget, l’Assemblée nationale discute d’une proposition de loi pour renforcer la régulation des meublés de tourisme. Proposé par une élue PS du Finistère, Mélanie Thomin, ce texte tente de répondre au problème de l’accès au logement, rendu de plus en plus difficile, dans les zones touristiques. Les multipropriétaires préfèrent louer leurs biens en Airbnb ou sur d’autres plateformes, plus cher, aux dépens des habitants et habitantes de ces zones à la recherche d’un logement permanent. Le texte a fait consensus chez les députés… sauf pour le groupe RN et leurs alliés ciottistes, qui ont voté contre.

Le 20 février, la proposition de loi « instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches » arrive en première lecture à l’Assemblée nationale. Surnommée « Taxe Zucman » dans les médias, du nom de l’économiste Gabriel Zucman, ce texte impulsé par les écologistes prévoit d’imposer à hauteur de 2 % tout patrimoine dépassant les 100 millions d’euros. Lors du vote, le RN s’abstient.

Sur les questions fiscales, la députée Marianne Maximi voit la patte de Jordan Bardella : « On peut parfois observer entre le vote en commission et le vote en séance des changements de ligne au sein du RN. Il y a des rapports de force internes au RN que j’observe de l’extérieur et que j’essaye de comprendre. On voit notamment le rôle de Bardella là-dedans, qui est beaucoup plus ultra-libéral que d’autres. »

Jordan Bardella étale sur les plateaux et dans son livre son origine sociale modeste, livrant le récit d’un jeune homme d’un milieu populaire de Seine-Saint-Denis, proche du peuple et de ses soucis. Si la réalité de son histoire personnelle est quelque peu différente du mythe qu’il a construit, le vote de son parti à l’Assemblée traduit également l’insensibilité totale du RN pour les pans les plus défavorisés de la population française et celles et ceux qui travaillent pour des salaires modestes.

Le bas de l’échelle sociale, le RN n’a pas non plus envie de le voir dans la haute fonction publique : le 18 février, il a voté contre la prolongation d’un dispositif permettant de réserver des places à des étudiants sur critères sociaux dans les concours de grandes écoles de service public.

La santé de la population semble également avoir peu d’importance pour le groupe RN. Lorsqu’il s’agit d’instaurer un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, un texte porté par le sénateur Place publique et ex-médecin Bernard Jomier voté en janvier dernier, les élus du RN s’abstiennent. Mais quand il est question d’enfoncer des familles en difficulté dont un enfant bascule dans la délinquance, les élus lepénistes n’hésitent pas. Et votent la suspension des allocations familiales aux parents d’enfants coupables de trafic de stupéfiants.

Dans une vidéo adressée aux femmes et publiée en amont des élections de 2024, Jordan Bardella l’avait promis : « Si je deviens Premier ministre, j’irai plus loin dans la défense des droits des femmes. En luttant contre les déserts médicaux… » Pour les droits des femmes, c’est faux. Tout comme pour la lutte contre les déserts médicaux. Un texte d’initiative transpartisane a été voté le 7 mai 2025, le RN était aux abonnés absents : sur le groupe de 123 élus, seuls huit députés étaient présents lors du vote. Et ils se sont tous abstenus.