Ils ont lâché la truelle pour investir les ruelles. 7 000 maçons ont battu le pavé à Lausanne, en Suisse romande, ce mardi 4 novembre, à l’appel du syndicat l’Unia. « Pas de maçons, pas de maison ! » ont-ils clamé entre deux coups de sifflet ou de vuvuzela, leur casquette floquée « grève » vissée sur la tête. La veille de ce cortège unitaire, autant de travailleurs du bâtiment avaient déjà débrayé à Genève, Fribourg ou La Chaux-de-Fonds. Ces manifestations faisaient suite à celles du vendredi précédent dans le canton du Tessin, en Suisse italienne. Selon le syndicat, jusqu’à 80 % des chantiers étaient bloqués dans certaines régions. « Une grosse partie des chantiers de l’Arc lémanique est à l’arrêt. La mobilisation est plus importante qu’en 2022 », s’est réjoui Pietro Carrobio, responsable du secteur construction d’Unia Vaud, auprès de la Radio Télévision Suisse (RTS)
Depuis plusieurs mois, les négociations autour de la nouvelle convention collective nationale du secteur, qui couvre 80 000 travailleurs, sont au point mort, en raison de profonds désaccords entre directions et syndicats. « On nous donne les mêmes conditions que nos grands-pères », s’est indigné José Sebastiao, d’Unia Genève, auprès de la RTS. Les grévistes refusent de travailler plus de huit heures par jour, comme le proposent les employeurs du secteur, ou de rattraper le samedi matin les heures perdues à cause des intempéries.
« Les maçons méritent aussi de voir leurs enfants le soir après le travail », défendent les syndicats de cette profession déjà soumise à des journées « interminables » et « physiquement pénibles ». « Je pars à 5 h 30, je rentre vers 18 h, je mange avec ma famille et je vais au lit. Vous n’avez pas le temps pour autre chose », témoigne un ouvrier du bâtiment à un média suisse. Soumis à des cadences accrues, les as du ciment voient se multiplier les burn-out et les accidents du travail. A peu près un mort toutes les deux semaines, déplore François Clément, secrétaire régional du syndicat Unia à Fribourg. Les grévistes revendiquent le paiement de la pause-café matinale, l’inclusion dans le temps de travail de la totalité du trajet entre le dépôt et le chantier — qui peut durer jusqu’à deux heures —, ainsi qu’une meilleure rémunération.
De leur côté, les entreprises du BTP évoquent plutôt la nécessité d’« une plus grande souplesse » dans la gestion des salaires. Comprendre : jusqu’à 25 % de rémunération en moins pour les jeunes travailleurs pendant les cinq premières années suivant la fin de leur apprentissage, dénonce Unia. Réunis au sein de la Société suisse des entrepreneurs (SSE), les patrons du secteur se sont dits, par la voix de son vice-président, « surpris et déçus » par ces grèves précipitées, qui rompent selon eux l’accord de « paix sociale signée jusqu’au 31 décembre ». Certains chefs d’entreprises y voient « une instrumentalisation des maçons » dans ce qu’ils qualifient de « gesticulation syndicale ». Ces réprimandes patronales ne devraient toutefois pas empêcher de nouvelles mobilisations massives, prévues cette fois en Suisse alémanique, le 14 novembre, à Zurich.
Crédit photo : syndicat Unia
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