A l’occasion de la manifestation intersyndicale du 18 septembre à Montpellier, une grosse vingtaine d’individus ont commis de multiples agressions plusieurs heures durant. Ce jeudi 16 octobre, l’Observatoire des libertés de Montpellier dévoile son rapport sur cette journée qui questionne l’action des forces de police et écorne le narratif de la préfecture de l’Hérault.
« Incompétence, inaction ou complaisance », s’interroge l’Observatoire des libertés de Montpellier (OLM) à propos de la gestion des exactions d’un groupe d’extrême droite le 18 septembre, jour de la manifestation intersyndicale contre le budget Bayrou. L’association, qui surveille les agissements de la police lors des manifestations, afin d’en vérifier le caractère conforme au droit, édite ce jeudi un rapport de 29 pages sur le maintien de l’ordre ce jour-là.
Celui-ci ravive les critiques émises à l’encontre de la préfecture de l’Hérault, au lendemain des agissements d’un groupuscule d’extrême droite pendant plusieurs heures dans le centre de la ville. Comme nous le relations dans notre premier article, un groupe de vingt à trente hommes, habillés de noir, visage dissimulé pour certains, avait d’abord insulté des lycéennes participant au blocage de leur établissement. Par la suite, ils étaient venus provoquer les manifestants du 18 septembre, après la dissolution du défilé, avant d’être exfiltrés de la place de la Comédie par les forces de l’ordre. Plus tard, certains d’entre eux avaient bousculé des membres d’OLM sur l’Esplanade Charles-de-Gaulle avant que le groupe reformé d’une vingtaine de personnes ne tabasse trois clients d’un bar dans le quartier des Beaux-Arts.
Une inaction qui interroge l’OLM
«Contacts inappropriés » entre des membres de la Brigade anticriminalité et des individus d’un groupe apparenté à l’extrême droite, « inaction » face à des coups de ces mêmes personnes au visage masqué en présence de policiers, « raccompagnement des auteurs de l’infraction » en lieu et place de leur interpellation. Les observatrices et observateurs d’OLM évoquent « des faits extrêmement grave », photos et vidéos à l’appui.
La séquence filmée se découpe de la façon suivante. Dans un premier temps, des membres de la BAC discutent avec des individus situés en marge des manifestants restés sur place après la dissolution des cortèges syndicaux. Ils sont rejoints quelques minutes plus tard par un jeune homme qui « porte un drapeau français sur l’épaule gauche ». Celui-ci se dirige vers un des observateurs qui filmait la scène. Deux coups lui sont portés à la gorge. Dans les minutes qui suivent, il s’en prend à un autre observateur qui filmait. Il lui « met un coup dans son téléphone qui tombe derrière lui, puis le pousse », explique le rapport. Et ce, alors que les policiers sont présents.
« Il y a au moins quatre membres de la BAC dans un rayon de 2 mètres autour de ces deux agressions et une vingtaine de forces de l’ordre présents en tout dans un périmètre de 10 ou 15 mètres autour. Aucun membre de la BAC ne l’interpelle, ne contrôle son identité, ni ne fait de remarque sur son masque », explique le rapport documenté par des vidéos. Pire, « la BAC présente en nombre protège l’agresseur en enjoignant aux observateurs de rester éloignéset de ne pas s’approcher. Malgré ces trois agressions, ainsi qu’un geste violent envers un membre de la BAC, les quatre individus sont tranquillement escortés plus loin par trois agents de la BAC et deux agents de la Police Nationale, tandis que les manifestant.es sont menacé.es d’être gazé.es et sommé.es de se disperser ».
Une préfecture comptable des violences ?
Le rapport d’OLM ne documente qu’une partie de la virée du groupe d’extrême droite le 18 septembre, celle où ses observateurs étaient présents sur l’Esplanade Charles de Gaulle. Mais l’inaction des forces de l’ordre à ce moment-là n’est pas la seule surprise de cette journée qui aboutit à la violente agression dans le quartier des Beaux-Arts, où une vingtaine d’individus rouent de coups trois personnes à la terrasse d’un café.
Deux heures plus tôt, le même groupe d’individus faisait déjà des siennes aux abords d’un lycée situé à 200 mètres de là. Dans une note à la communauté éducative de l’établissement scolaire, son proviseur explique qu’une « bonne trentaine d’individus scandant des propos répréhensibles dans le cadre de la loi, sont arrivés aux abords de l’établissement ». Le proviseur a alors fait entrer dans l’enceinte du lycée ses élèves pour les mettre en sécurité tout le temps de la présence du groupe qui créait « un réel climat d’insécurité ». Et le chef d’établissement de conclure : « la hiérarchie et la Police Nationale ont été tenues au courant en permanence de l’évolution de la situation ». Une première occasion manquée de mettre fin à la virée de ce groupe et donc d’éviter l’agression des Beaux-Arts. Mais une occasion dont le préfet se défend par voie de communiqué en expliquant qu’à l’arrivée des policiers le dit groupe n’était plus présent.
Pourtant, il n’était pas loin, puisqu’on le retrouve aux abords de la fin de la manifestation intersyndicale. C’est ce groupe qui fera face aux manifestants restés sur la place de la Comédie et qui sera exfiltré par la police. Selon un communiqué du 26 septembre, la préfecture assure que leurs identités ont été vérifiées à cette occasion et que les forces de l’ordre ne pouvaient pas faire plus. Une assertion surprenante dans la mesure où un signalement d’agissements « répréhensible dans le cadre de la loi » du groupe avait déjà été effectué par le proviseur d’un lycée et que plusieurs des membres du groupe avaient le visage dissimulé. Une seconde occasion manquée. Avant une troisième lorsqu’une partie de ceux-ci frappent et bouscules des observatrices et observateurs de l’OLM. Avec le résultat que l’on connaît : trois blessés aux Beaux Arts dont deux conduits aux urgences. Pour les membres d’OLM, l’impunité dont ils ont bénéficié au début de leur périple conduit à des violences plus importantes par la suite.
Des plaintes et une enquête
L’agression des Beaux-Arts ayant eu lieu sur une place couverte par des caméras de vidéosurveillance, le Maire de Montpellier a fait un signalement au procureur de la République qui a ouvert une enquête le 23 septembre. Les trois victimes ont également déposé plainte et ont été entendues par les enquêteurs. Mais un mois après les faits, ni la préfecture ni le procureur n’ont communiqué sur les suites de l’enquête. Pourtant, l’identification des auteurs ne devrait pas être d’une grande complexité. En effet, en plus des images de l’agression fournies par la municipalité, d’autres, nombreuses, du lycée Joffre jusqu’à l’acte final, ont été publiées dans la presse et sur les réseaux sociaux. Sans compter que selon les dires du préfet, les identités de l’ensemble du groupe ont été relevées par les forces de police place de la Comédie.
A moins que la cécité dont ont fait preuve les autorités le 18 septembre ne connaisse une prolongation. En tout cas, dans les jours qui viennent la Ligue des droits de l’homme nationale saisira aussi le procureur de la République à propos des violences qu’ont subit les observatrices et observateurs ce jour-là.
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