Mardi, une quarantaine de personnes se sont rassemblées devant le siège montpelliérain de l’association pour personnes en situation de handicap (APSH34), afin de soutenir des salariés convoqués par leur direction à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
« Ils sont dans une équipe qui défend des valeurs, qui dit ce qu’elle pense, qui réfléchit dans l’intérêt des personnes accompagnées », entame la déléguée SUD Santé Sociaux de l’APSH34, devant la quarantaine de salariés du secteur médico-social rassemblée devant le siège de l’association mardi 28 octobre.
Un premier salarié est convoqué par sa direction à 10h, une seconde à 11h. « Ils ont été mis à pied il y a dix jours pour des raisons fallacieuses » assure la syndicaliste, qui décrit une équipe profondément choquée. En cause : le fait de ne pas avoir contacté le cadre de permanence, un week-end, pour l’informer d’une toilette bouchée chez un résident. Un incident banal, explique cette salariée qui intervient auprès d’un public en situation de handicap psychique. La semaine précédente, c’était une autre employée de la même équipe qui était convoquée. Sa direction lui reproche de s’être endormie au travail, quand ses collègues certifient que, atteinte de migraine, elle avait seulement fermé les yeux, assise sur un canapé, dans la salle de pause.
Dans cette association, un rapport d’expertise publié en avril 2025 pointe des violences managériales. Il est contesté par la direction qui prévoit de commander une contre-expertise. Les salariés mobilisés ce mardi dénoncent, eux, « la toute-puissance d’une direction qui exige une loyauté sans faille » et qui applique « aveuglément les politiques publiques ». Le tout dans un contexte de réduction des coûts (dont témoigne encore l’actuel projet de financement de la Sécurité sociale) et de progression des traitements sécuritaires du handicap psychique.
Pour la représentante syndicale SUD de l’APSH34 : « on leur reproche finalement d’être engagés, de ne pas être de simples exécutants, de ne pas répondre à une commande dans laquelle ils ne se retrouvent pas ». Pour elle, il s’agit de « casser un savoir-faire et les démarches de réflexion » d’un service innovant qui place la dignité, l’inclusion et l’émancipation des personnes en situation de handicap psychique au centre de son travail. Un an plus tôt, le chef de ce service soutenu par son équipe avait déjà été licencié.
Des sanctions qui visent les salariés ou les missions d’associations
L’APSH34 n’est pas la seule structure du secteur médico-social montpelliérain secouée par des procédures disciplinaires. À l’Avitarelle, association qui intervient dans le logement et l’hébergement d’urgence, la tension est montée d’un cran début octobre. Une infirmière du pôle Samu social a alors été convoquée à un entretien préalable à une mise à pied conservatoire. En réaction, ses collègues se sont mis en grève pendant quatre jours. L’entretien a d’abord été reporté, avant de se tenir finalement la semaine dernière.
« C’est une collègue qui a simplement relevé des dysfonctionnements dans l’association, et ça n’a pas plu à la direction », raconte une personne qui travaille au Samu social et est venue apporter son soutien au rassemblement devant les locaux de l’APSH34. Selon la direction, l’infirmière aurait fait preuve d’insubordination, de harcèlement envers un supérieur hiérarchique et d’instrumentalisation de ses collègues. « Ils mentent ! », s’emporte Charlie*, collègue directe de la salariée sanctionnée. En signe de solidarité, une trentaine de personnes avaient déposé, le jour de sa convocation, des photos de leurs pieds devant l’Avitarelle — un clin d’œil à la mise à pied qu’elles dénonçaient.
La sanction s’inscrit dans un climat social déjà tendu. Le 16 septembre, des salariés de l’Avitarelle — Samu social en tête — avaient participé à une journée de grève contre les coupes budgétaires dans le secteur médico-social. « On n’ouvre plus de places d’hébergement pour la grande précarité, il y a de plus en plus de personnes à la rue, de moins en moins de gens sur le terrain, et de moins en moins de places d’hôtel », constate amèrement Charlie. Son regard sur la direction de son association est désabusé : « c’est comme les politiques, on se dit que c’est parce qu’ils ne savent pas. En réalité je crois qu’ils savent mais qu’ils s’en foutent. Eux ils gèrent des chiffres, nous on travaille avec de l’humain ».
Toujours dans ce contexte de tensions autour des coupes budgétaires, ce sont parfois les associations qui sont dans le viseur des autorités et des financeurs. C’est le cas de l’association AREA, qui s’occupe d’habitants de bidonvilles à Montpellier. Au mois de septembre, des salariés de l’association s’étaient mis en grève pour protester contre la politique de l’État et de la ville de Montpellier quant aux expulsions et aux manquements en matière de relogement. Moins de deux mois plus tard, l’association perd les financements pour ses missions auprès des habitants des bidonvilles en 2026. Une dizaine de salariés perdront leur emploi à la fin du mois de décembre.
A Montpellier, le médico-social mobilisé depuis des mois contre les coupes budgétaires
En juin 2025, le conseil départemental de l’Hérault, en plus des coupes sombres dans la culture, avait annoncé la suppression de 35 % des effectifs, déjà en tension, de la prévention spécialisée de l’Hérault (APS34). Plusieurs antennes dans les villes de Sète, Béziers ou Frontignan étaient promises à la fermeture. Dès lors, les journées de mobilisation se sont enchaînées avant et après l’été, souvent avec des salariés d’autres structures menacées elles aussi par des suppressions de postes. Dès le mois de juin, une « coordination du social » est née, qui regroupe des salariés mobilisés du secteur médico-social issus de différentes associations.
Après près de six mois d’action du secteur social, l’heure est à la répression dans les associations. Et ce, avant que le projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2026 ne dégrade davantage les financements alloués au travail social. Avant aussi que le dispositif Serafin-PH – équivalent de la tarification à l’acte qui a été délétère pour l’hôpital public – ne se généralise dans les services médico-sociaux qui accompagnent des personnes en situation de handicap.
« Avec les restrictions budgétaires et les tensions que cela provoque, le management est de plus en plus dur et les motifs de licenciement sont injustifiés », analyse José Théron, secrétaire de la CGT Action sociale à Montpellier.
* le prénom a été modifié
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