Emmanuel Macron a annoncé mercredi soir un nouveau confinement, pour au moins quatre semaines à compter de jeudi soir minuit. Il vient remplacer des couvre-feux instaurés en deux fois pour de nombreuses villes et départements les 16 et 23 octobre. Mais contrairement au mois de mars, les établissements scolaires, la plupart des entreprises et les services publics resteront ouverts.
Entre 40 000 et 50 000 tests positifs au Covid-19 chaque jour. Probablement 100 000 contaminations quotidiennes en réalité. Et près de 20 000 hospitalisations, dont plus de 3000 en réanimation. Si l’emballement des tout derniers jours a surpris, le niveau de circulation de l’épidémie reste globalement conforme aux prévisions des scientifiques à une ou deux semaines près. « La situation en octobre pourrait devenir vraiment dangereuse », expliquait à la mi-août Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses. Pronostiquant « un risque que la rentrée soit le théâtre d’un rebond brutal », il pointait la reprise dans les écoles, les entreprises et les administrations après l’été.
Pourtant, les protocoles ont été allégés à ce moment-là dans l’Éducation nationale et la règle du « un siège sur deux » dans les transports relève de l’histoire ancienne. Même si le port du masque est devenu obligatoire dans les entreprises et la rue au mois de septembre. La deuxième vague annoncée pour octobre ou novembre est là, comme l’anticipaient l’OMS et certains chercheurs dès le mois de septembre. Et, avec elle, l’échec de la stratégie de contention décentralisée de l’épidémie par le gouvernement. Tout comme celle du tester, tracer, isoler, pour vivre avec le virus.
Confinement allégé ou couvre-feu renforcé ?
Dans la précipitation, cinq jours après l’extension à 54 départements des mesures de couvre-feu, le chef de l’État a annoncé un deuxième confinement. Celui-ci doit prendre effet jeudi 29 octobre à minuit et durer jusqu’au mardi 1er décembre. Pour autant, il diffère sensiblement de celui du printemps. Les crèches et les établissements scolaires restent ouverts à l’ensemble des enfants, contrairement au seul accueil, en mars et avril, de ceux dont les parents exerçaient une profession indispensable. Une nouvelle case dédiée aux déplacements des parents pour accompagner les plus jeunes sera ajoutée à l’attestation dérogatoire de sortie, a annoncé ce matin Jean-Batiste Djébari, le ministre délégué aux transports.
Ainsi « libérés », les salariés et les agents des services publics pourront continuer à se rendre à leur travail. À l’exception de celles et ceux pouvant télétravailler ou exerçant leur activité dans les commerces non essentiels, fermés de nouveau, dans la culture ou l’enseignement supérieur. Ainsi, des millions de salariés et de fonctionnaires, comme des millions d’élèves, continueront à se déplacer chaque jour. Pour elles et eux, le confinement ressemblera plutôt à un couvre-feu prenant effet de 17 h à 7 h du matin. Et ce, bien que la part des contaminations issues de clusters soit très majoritairement constatée dans les établissements scolaires et les lieux de travail.
« Nous serons prêts ! »
Au regard de la gravité de la situation sanitaire et à quelques heures de l’entrée en vigueur du nouveau confinement, de nombreuses questions restent en suspends. Quelles seront les mesures prises dans les transports, notamment dans le métro parisien ? Quelles nouvelles protections pour les salariés dans les entreprises ? Comment s’organisera la rentrée scolaire lundi ? Sur ce dernier point, Jean-Michel Blanquer a tenté d’expliquer ce matin que le protocole en vigueur depuis la rentrée allait passer de son niveau 1 au niveau 2. Les élèves se déplaceraient moins d’une classe à l’autre et l’aération serait renforcée. D’autres mesures à venir concerneraient la restauration collective.
Mais pas un mot sur le renforcement des équipes éducatives, sur des moyens supplémentaires ou la réquisition de locaux pour permettre une distanciation, regrettent ce matin plusieurs syndicats enseignants. Ces derniers n’ont pourtant eu de cesse de réclamer plus de mesures depuis deux mois. Rien non plus sur l’épineuse question de la désinfection des locaux par des agents d’entretien des collectivités territoriales en nombre insuffisant. Dans ces conditions, l’affirmation le 14 juillet par Emmanuel Macron que « nous serons prêts », en cas de redémarrage de l’épidémie, relève de la communication politique. Et seulement d’elle semble penser la CGT dans un communiqué de presse publié ce matin : « cette situation est la conséquence de l’incurie et de la malhonnêteté du Président et de son gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire », affirme le syndicat qui considère qu’il, « est scandaleux d’affirmer que la situation sanitaire est plus grave qu’au printemps et, en même temps, prévoir une protection plus faible ».
Du coup, avec ce confinement allégé par rapport au printemps dernier, ajouté aux décisions tardives pour endiguer le retour de l’épidémie, l’exécutif continu de prendre de gros risques. Pour lui, mais surtout pour la population. Et ce, au nom d’une reprise économique, finalement incertaine en cas d’effondrement du système de santé. À ce jeu-là, il pourrait être obligé de durcir ou allonger les mesures restrictives pour casser la courbe épidémique. D’autant que celle-ci sera plus dure à inverser maintenant qu’elle est à un sommet comme le rappelait pourtant en septembre Arnaud Fontanet du conseil scientifique au journal Le Monde : « il n’y a aucune raison d’attendre, car plus on attend plus il faudra agir fort et sur la durée ».
Une évidence sur laquelle s’appuie aussi le président du même conseil, Jean-François Delfraissy, qui estime aujourd’hui que l’objectif de redescendre à 5000 contaminations par jour fixé par le chef de l’État, ne sera pas atteint au 1er décembre.
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