Si la CGT a appelé à soutenir le Front populaire, elle n’a pas émis de consigne de vote, prérogative qui s’éloigne de sa tradition syndicale. Pourtant, face au risque d’une extrême droite au pouvoir, elle pourrait en prendre la décision. Les débats sont en cours.
La CGT appellera-t-elle officiellement à voter Front populaire ? Si le débat n’est pas encore tranché, il a été ouvert lors d’un comité confédéral national (CCN) exceptionnel, ce mardi 11 juin. Durant cette réunion, les secrétaires généraux des unions départementales (UD) et des fédérations de la CGT ont souligné la dangerosité de la situation dans laquelle est plongé le pays depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin. Et un texte d’appel à voter pour la nouvelle union des gauches, le « Front populaire », a été proposé par la direction confédérale.
« Notre secrétaire générale parlait de 2027…mais la victoire du RN pourrait être en 2024. Il fallait donc réagir », explique Benoît Martin, favorable à ce texte. Pour le secrétaire général de l’UD 75, la situation exige une réponse exceptionnelle. Il estime que « si la charte d’Amiens interdit les liens organiques avec les partis, nous n’appelons pas à voter pour un parti en particulier mais à faire front contre l’extrême droite ».
Si le soutien à l’union de la gauche se lisait déjà dans le communiqué confédéral publié le 10 juin par la CGT (voir notre article) et intitulé « Face à l’extrême droite, le Front populaire », il restait toutefois sur une ligne de crête. En effet, le terme ne qualifiait pas encore officiellement l’union du PS, du PC, des Ecologistes et de la France insoumise. S’il s’agissait de mettre la pression sur les partis de gauche pour les pousser à l’union, ce communiqué ne constituait pas pour autant un appel clair au vote. Pour être actée se devait d’être débattue avec l’ensemble des structures syndicales avant d’être officialisée. Elle est particulièrement lourde à prendre à la CGT, qui revendique son indépendance vis-à-vis des partis politiques.
Décision reportée
A l’issue du CCN du 11 juin, cette décision a finalement été reportée. Serge Allegre, secrétaire général de la Fédération Nationale des Industries Chimiques (FNIC-CGT), alors défavorable à l’idée d’appeler à voter Front populaire, en explique la raison.
« Le texte confédéral consistait avant tout à dénoncer l’imposture du RN. Cela, notre fédération y est totalement favorable. Le RN veut s’attaquer aux cotisations sociales et parle de relocalisation industrielle sans jamais soutenir les batailles face aux fermetures d’usines. Ils sont du côté des capitalistes. Pour l’instant, nous ne sommes pas pour un appel à voter Front populaire. Imaginez que ce soit le PS qui en prenne la tête et qu’il recommence la même politique de casse sociale que sous le mandat d’Hollande. Les camarades seraient alors en droit de nous dire « mais quelle connerie vous nous avez fait faire » », explique le secrétaire général.
Malgré tout, si le « PC ou la France insoumise » venaient à faire prévaloir leur programme au sein du Front populaire, la question d’un appel à vote se poserait de nouveau pour la FNIC. « Aujourd’hui (ndlr : le 11 juin), le Front populaire n’a même pas de programme. Et quand on voit que c’est Raphaël Glucksmann qui est sorti 1er des européennes parmi ses membres, on se dit : « bof » ». Le secrétaire général explique que, malgré une majorité de structures favorables à l’appel à vote, son opposition ainsi que celle de quelques autres, ont conduit à repousser le débat à la semaine prochaine.
En attendant, la CGT et l’intersyndicale entend lutter contre l’extrême droite par des moyens qui lui sont plus familiers. Conformément à la décision prise en intersyndicale (Solidaires, CGT, CFDT, UNSA et FSU) ce lundi 10 juin, de grandes manifestations seront organisées ce week-end partout en France contre l’extrême droite (connaître le rendez-vous dans votre ville).
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.