Régularisation fiscale d’Apple : Tout le monde en croque !


 

Le retour des bénéfices d’Apple aux États-Unis est présenté comme une réussite pour la politique protectionniste de Donald Trump et apparaît presque comme une largesse du géant du numérique. En réalité, la marque à la pomme économise près de 50 milliards de dollars cette année en payant 38 milliards pour passer l’éponge sur plus de dix ans d’évasion fiscale.

 

Un conte de Noël en retard ? À lire le communiqué d’Apple du 17 janvier, la firme va avoir la largesse de rapatrier et investir dans l’économie américaine 350 milliards de dollars. Au passage, elle s’acquittera de 38 milliards d’impôts pour réaliser cette opération. Une nouvelle saluée comme une « grande victoire pour les travailleurs américains » par Donald Trump, qui y voit le succès de son patriotisme économique. Pourtant, derrière le conte de fées narré par la communication d’Apple et de la Maison-Blanche, se cache une autre histoire moins séduisante.

En fait, la chronique de bénéfices atteignant la démesure, détournés de toute imposition, et d’une course au moins-disant fiscal. L’entreprise à la pomme a amassé les milliards de dollars de trésorerie. Un trésor de guerre constitué sur les dix dernières années principalement grâce à l’essor des smartphones et à son iPhone. Le cash disponible du groupe est ainsi passé de 10 milliards de dollars en 2006 à 237,6 milliards en 2016. Des résultats exceptionnels. La fabrication en Chine de ses téléphones, des marges dignes des produits de luxe estimés autour de 40 %, une politique d’obsolescence programmée pour pousser les consommateurs à acheter ses nouveaux téléphones et une excellence dans l’optimisation fiscale expliquent les excédents colossaux de la marque à la pomme.

 

Une montagne de bénéfices tournés vers le zéro impôt

 

Les liquidités d’Apple atteignent aujourd’hui 269 milliards, placées pour 94 % d’entre eux dans des filiales à l’étranger. Des bénéfices offshores essentiellement placés dans des paradis fiscaux. En Europe, la firme enregistre l’ensemble de ses bénéfices en Irlande. Elle a réussi le tour de force avec des montages sophistiqués de n’y être imposée qu’à hauteur de 0,005 % en 2014. Ainsi, l’entreprise de la Silicon Valley a échappé à l’impôt sur les sociétés aux États-Unis, fixé jusqu’à ces derniers mois à 35 %.

Mais les règles du jeu ont changé. Au mois de décembre, l’administration Trump a baissé le taux d’imposition de 14 points. Celui-ci est passé à 21 %. La réforme fiscale adoptée par le Congrès prévoit également un taux d’imposition réduit à 15,5 % pour les entreprises américaines rapatriant les bénéfices cachés au fisc américain. Apple réalise donc une bonne opération, malgré le chèque de 38 milliards de dollars dont elle va s’acquitter cette année auprès du fisc américain. Une amnistie pour toutes les années où elle n’a rien payé, et un cadeau de 40 à 50 milliards d’euros sur sa trésorerie en 2017.

 

La course des États aux taux d’imposition les plus bas

 

Ces 38 milliards présentés par Trump comme une victoire pour les travailleurs américains sont en fait une capitalisation sur les dettes d’Apple au fisc. Un renoncement qui se chiffre en centaines de milliards de dollars ramenés à l’ensemble des entreprises américaines cachant leurs avoirs à l’étranger. L’estimation globale de ces fonds porte sur plus de 2500 milliards. À l’ancien taux de 35 %, c’est plus de 800 milliards qui échappent à l’impôt. Ramené au taux de 15,5 % en 2018, cela représente une économie de près de 500 milliards pour la totalité de ces entreprises et un manque à gagner d’autant pour la société américaine. Travailleurs inclus.

Les États-Unis ne sont pas les seuls à réduire leurs impôts sur les sociétés. Une concurrence pour séduire les entreprises est engagée par les États. Après le passage à 21 % du taux d’imposition sur les sociétés de la première économie du monde, la Chine a annoncé exempter temporairement d’impôts les entreprises étrangères investissant dans le pays. Les options prises par les deux premières économies mondiales fixent un cap pour la planète. En France, le gouvernement a décidé d’une baisse également. La contribution des entreprises passera de 33 à 25 % en 2022. Une tendance, qui si elle se confirme, pourrait finir par rendre les paradis fiscaux moins attractifs ou transformer le monde en un paradis fiscal géant.

 

Lire aussi : Montagne de profits pour les grands patrons