La trêve hivernale vient de prendre fin, le 31 mars. À cette occasion, la Fondation Abbé Pierre et l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne publient une étude inédite sur les conséquences des expulsions locatives sur les ménages. Elle est basée sur un suivi d’une durée de un à trois ans des familles concernées, englobant différents aspects de leur vie (relogement, travail, santé mentale…).
Sur cette période de suivi, 32 % des ménages n’ont toujours pas retrouvé de logement après l’expulsion, introduit l’étude. Ces derniers vivent dans un hôtel social, chez un tiers, dans un camping ou un squat… Voire à la rue. Ceux qui ont pu retrouver un logement sont tout de même restés 11 mois sans logement personnel, en moyenne.
Cette instabilité résidentielle fragilise le maintien dans l’emploi. C’est l’un des axes développés dans l’enquête. Pas moins de 29 % des personnes n’ont pas pu poursuivre leur activité professionnelle en raison de l’expulsion. Et ce, « alors même que le fait d’avoir une activité professionnelle favorise la recherche d’un logement », rappelle l’étude.
« Après l’expulsion, je continuais à aller travailler mais sans dormir, je n’arrivais pas à trouver le sommeil dehors. Alors forcément quand vous êtes commercial, si vous ne dormez pas bien, vous n’êtes pas au top et ça se voit. Ce n’était pas tenable et au bout de trois semaines je suis allé voir mon patron, je lui ai expliqué la situation, il n’avait pas de solution pour moi et j’ai donné ma démission » témoigne Daniel, cité dans le rapport. À l’instar de Daniel, 71 % des ménages déclarent faire face à des problèmes de santé ou des difficultés psychologiques liés à l’expulsion.
Quant à ceux qui se maintiennent à leur poste ou parviennent à trouver rapidement un nouveau travail, la trajectoire professionnelle se précarise. En moyenne, les revenus liées à l’activité professionnelle baissent de 23 % après une expulsion, selon le rapport. Divers motifs l’expliquent : « changement d’emploi, arrêts maladies, accidents de travail, réduction du temps de travail »…
L’étude chiffe bien d’autres conséquences des expulsions. Par exemple, 43 % des ménages avec enfants observent un impact négatif sur la scolarité de ces derniers : « décrochage scolaire, troubles du comportement, problèmes de concentration »…
En 2019, 16 700 expulsions avaient été réalisées (une hausse de 4 % par rapport à 2018). 2020 et 2021 n’ont pas atteint un tel seuil. Et pour cause : en raison de la pandémie, le gouvernement Macron a prolongé plusieurs fois la trêve hivernale, comme le demandaient les associations du secteur.
La Fondation Abbé Pierre recense 8 156 expulsions en 2020. En 2021, son estimation tourne autour de 12 000 expulsions. Ces chiffres « restent importants dans ce contexte de crise sanitaire qui aurait nécessité une limitation plus importante encore, et un relogement pour tous les ménages expulsés, ce qui est loin d’être le cas », insiste la plateforme téléphonique Allô Prévention Expulsion dans son bilan annuel.
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