La colère ne retombe pas chez France Travail. La CGT, la FSU, SUD et la CFTC appellent conjointement à la grève le 1er avril prochain « pour nos missions, nos métiers, nos emplois, nos salaires et traitements ». Déjà excédés par les dernières contre-réformes de l’assurance chômage, les agents publics dénoncent la mise en œuvre à « marche forcée » de la loi plein emploi. Depuis le 1er janvier, des centaines de milliers de privés d’emploi ont été inscrits d’office à France Travail, qui coordonne désormais les différents acteurs de l’insertion (Missions locales, Cap Emploi)… Pour ne rien arranger, la vague des licenciements collectifs des derniers mois vient grossir les rangs de demandeurs d’emplois. En 2024, le taux de chômage a connu sa plus forte depuis une décennie.
Un afflux massif que France Travail n’a pas les moyens d’accompagner, interpelle l’intersyndicale. « On doit faire plus avec moins », lance Vincent Lalouette, de la FSU Emploi en référence au non-renouvellement de la plupart des contrats courts. On est en train de faire les calculs mais sur certains sites, on est passé de dix à cinq CDD pour seulement deux requalifications en CDI », illustre l’élu au conseil économique et social central de France Travail. Il a fallu que ce budget soit présenté au Conseil d’Administration ce 27 février pour « renforcer [leur] inquiétude »... France Travail s’apprêtait à faire des économies sur 2900 postes équivalent temps plein (ETP) d’ici 2027. Finalement, le « plan d’efficience » présenté aux élus concernerait pas moins de 3700 ETP. Il s’agit surtout d’un « redéploiement forcé » de personnel sur différentes activités et d’un transfert de certaines tâches à l’intelligence artificielle. Les principales mutations visent à ce jour les «fonctions supports », ces postes d’appui administratif qui ne sont pas en contact direct avec l’usager. 600 d’entre eux devraient être placés dans des agences de proximité.
Autre remaniement : la taille des portefeuilles d’usagers prise en charge par chaque conseiller est revue à la hausse afin de détacher davantage d’agents sur le suivi renforcé des allocataires. Dans les Hauts de France, les élus du personnel ont voté à l’unanimité une expertise sur l’impact de cet accompagnement intensif. Ils dénoncent l’augmentation des effectifs chargés de contrôler les chômeurs, prévue par la direction régionale de France Travail, au détriment d’autres services et sites de proximité.
Objectif : appliquer tout azimut la loi plein emploi ! Entre autres joyeusetés : l’Entretien D’Orientation (EDO), le «Contrôle recherche emploi rénové » et le pilotage des fameuses 15 heures d’activité hebdomadaires désormais obligatoire pour tous les détenteurs de RSA… « Les conseillers font moins d’accompagnements que de contrôles », se plaignait une syndicaliste auprès de Rapports de Force. En plus de ne pas « correspondre aux besoins des usagers », ces mesures mettent la pression sur les agents et dénaturent leurs missions.
« Pour toutes et tous, l’intensification du travail va s’accroître et les conditions de travail se détériorer » résume l’intersyndicale. Surmenage, arrêts maladie voire tentatives de suicides se multiplient dans les agences de France Travail, de plus en plus confrontées à la détresse sociale de l’autre côté du guichet.
En décembre dernier, une grève nationale avait à largement mobilisé, jusqu’à 40 % sur certains sites. Même dans des agences habituellement peu enclines à la contestation. Elle avait « permis d’obtenir un sursis et d’éviter les suppressions de postes envisagées par le précédent gouvernement », rappellent les syndicats. Le gouvernement Bayrou avait renoncé au à la suppression 500 postes prévu dans le projet de loi de finance sous celui de Michel Barnier.
La grève du 1er avril sera-t-elle aussi suivie ? « L’appel intersyndical demande des moyens pour l’application de la loi quand les collègues veulent son abrogation », doute une conseillère quant à l’ampleur de la mobilisation… Avant d’ajouter : « Après, il suffit d’une étincelle »…
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